La Salle de bain

La Salle de bain le premier livre publié de Jean-Philipe Toussaint et le premier que j’ai lu. Avec les sorties récentes de La clé USB et de sa suite, Les Émotions1, j’ai eu envie de revenir aux origines pour me faire, avec le recul des années, une idée peut-être différente. A l’époque j’avais dû apprécier cette lecture puisque j’ai beaucoup lu Toussaint par la suite. Si ma lecture date d’une quinzaine ou d’une vingtaine d’années, la publication du livre est beaucoup plus ancienne car elle remonte à 1985. Époque à laquelle les Éditions de Minuit étaient dirigées par Jérôme Lindon – voir le petit livre Jérôme Lindon que lui a consacré un autre grand auteur de la maison, Jean Echenoz. D’ailleurs à la fin de cette édition de poche (collection “double”) figure un court texte de l’auteur, intitulé Le jour où j’ai rencontré Jérôme Lindon,relatant à la fois sa rencontre avec le grand éditeur et sa joie d’être publié. ...

La clé USB

J’ai pris beaucoup de plaisir à retrouver Jean-Philippe Toussaint après toutes ces années – ma dernière lecture remonte au très bon La Télévision en 2013. Son écriture est toujours aussi agréable, du pur style Minuit, un comparse d’Echenoz. Ils ont un style similaire fait de ce minimalisme – peut-être moins flagrant chez Toussaint – qui caractérise la maison d’édition à l’étoile et d’une dose d’humour. Autre similarité entre les deux auteurs l’univers du polar ou de l’espionnage, qui est très présent chez Echenoz depuis ses débuts et qui est de retour dans ses derniers romans Envoyée spéciale et Vie de Gérard Fulmard, et qui sous-tend l’intrigue de ce dernier opus de Toussaint. J’utilise le terme avec prudence car il ne s’agit pas d’un polar, mais d’un livre qui se situe dans l’univers des romans d’espionnage. ...

Un soir au club

Un jour il a claqué la porte. Terminé le piano, le jazz et les clubs. Et tout ce qui va avec: la nuit, l’alcool et les femmes. Depuis, il s’est reconstruit une petite vie tranquille. Un travail sérieux – et ennuyeux –, une femme aimante et attentionnée – bien loin des tumultes de la passion en somme. Bref, tous les ingrédients qui l’avaient transformé en un monsieur tout le monde heureux – au moins en apparence. Puis un soir, l’occasion s’est présentée, le hasard, la tentation. C’est comme pour les fumeurs repentis, il suffit d’en retoucher une seule, rien qu’une petite et c’est reparti. Il replonge donc ou il revit, c’est une question de point de vue. ...

Les fleurs

L’histoire est toujours la même, celle du hasard, une rencontre. Si banal finalement et pourtant toujours aussi troublant. Comment une telle conjonction d’évènements a pu se produire pour aboutir à ce résultat ? Ce qui est original dans ce roman ce n’est donc pas l’histoire, j’entends la chaîne des évènements et des actions qui se produisent. Non, ce qui est intéressant, c’est ce qui se passe dans les coulisses, dans la tête des personnages. Christian Gailly nous en ouvre grand les portes et les met au premier plan, sur le devant de la scène. Alors, l’intérêt n’est plus le même car il s’en passe des choses dans la tête des gens. Une idée qui pointe son nez, un remords qui agace, un souvenir qui déboule ou une impression qui tamise de son éclairage unique une scène de la vie quotidienne. Dévoiler cette vie intérieure pour mieux comprendre les raisons, parfois complètement irrationnelles, qui animent les personnages se nomme en littérature courant de conscience. Ce procédé est parfois difficile à suivre mais permet d’appréhender pleinement la complexité de la psychologie des personnages. ...

Lac

Lac quel titre étrange. C’est paradoxalement un titre court – 3 lettres et pas de sous-titre, on peut difficilement faire mieux – et très énigmatique, il ne nous donne aucune indication sur le contenu du livre. C’est en fait un titre très echenozien (Nous trois, Un an, Au piano, Ravel, Courir, Des éclairs) ou plus généralement emblématique des Éditions de Minuit. Il ressemble à sa prose, raffinée et distillée pour obtenir un texte ciselé et épuré. Il faut lire lentement, savourer chaque phrase pour en apprécier le juste équilibre, le raffinement dans le choix des mots et dans leur agencement. Il n’y en a ni trop, ni pas assez, juste ce qu’il faut, c’est du très bon “minimalisme”. ...

L'appareil-photo

Le roman raconte presque rien ou presque tout selon le point de vue, la perspective que l’on adopte. D’ailleurs, Jean-Philippe Toussaint annonce la couleur dès la première phrase du livre : C’est à peu près à la même époque de ma vie, vie calme où d’ordinaire rien n’advenait, que dans mon horizon immédiat coïncidèrent deux évènements qui, pris séparément, ne présentaient guère d’intérêt, et qui, considérés ensemble, n’avaient malheureusement aucun rapport entre eux. ...

L’urgence et la patience

Jean-Philippe Toussaint est un grand écrivain; voilà c’est dit. C’est peut-être aussi un grand réalisateur de cinéma mais je ne peux pas me prononcer car je n’ai pas vu ses films. Pour moi, il incarne les Éditions de Minuit. Son écriture est épurée, souple et agréable. Si je devais la caractériser de façon imagée, j’hésiterais entre deux visions qui pourraient paraître antinomiques. La première serait celle d’une mousse légère, aérienne bien qu’onctueuse. On prend plaisir à la savourer sans en subir la lourdeur. La deuxième serait celle d’un élixir, d’une boisson, peut-être d’un vin ou d’une eau-de-vie, quelque chose de travaillé, de distillé longuement. Il n’y en a pas beaucoup, on la déguste du bout des lèvres, par petite quantité, en la faisant rouler longuement dans sa bouche pour tenter d’en appréhender la complexité et la subtilité. Car l’une des choses que nous apprenons dans ce livre est qu’écrire ne s’improvise pas, il faut allier l’urgence et la patience. ...

Je m'en vais

“Je m’en vais”, c’est par ces mots que commence et se termine le livre de Jean Echenoz. Ferrer, le personnage principal, travaille dans le domaine de l’art – il se prénomme Félix mais le narrateur utilise le plus souvent son nom de famille seul. Ancien artiste lui-même il s’est petit à petit transformé en marchant d’art exerçant dans sa propre galerie parisienne. Cette galerie, il s’en sert également de dortoir lorsque les affres de la vie sentimentale le poussent à trouver un refuge. Cette vie et ses calcifications que deviennent avec le temps les habitudes le lassent. C’est pour cette raison, mais aussi pour l’appât du gain, qu’il ne va pas hésiter à embarquer direction le grand nord sur les traces d’un trésor d’art inuit (paléobaleinier plus précisément). ...