Environnement toxique

Le titre, dans sa traduction française, aurait pu être mis au pluriel puisqu’il est question de plusieurs environnements toxiques. Celui des sables bitumeux d’où est extrait le pétrole et celui créé par les hommes qui les exploitent. Kate Beaton a travaillé plusieurs années pour des entreprises du secteur afin de rembourser son prêt étudiant dans les délais impartis. De cette expérience difficile, elle tiré ce récit autobiographique en bande dessinée. On y voit en grande majorité des hommes et quelques femmes déracinés travaillant loin de chez eux au sein d’un environnement hostile dans des conditions spartiates qui essaient de vivre ensemble. Mais, pour les rares femmes, c’est encore plus difficile car elles subissent au mieux des remarques sexistes au pire des agressions sexuelles de la part de leur collègues masculins. En plus de ce constat, l’artiste en devenir va prendre petit à petit conscience de l’impact écologique de l’activité d’extraction, ce qui ajoute encore à son malaise. ...

2 mars 2025 ·  BD  ♥

Chumbo

Pendant toute la lecture, je me suis demandé d’où pouvait venir une telle histoire. J’ai trouvé la réponse en lisant la postface de l’auteur. J’ai alors bien mieux compris le projet qui mêle une histoire personnelle mâtinée de fiction. Matthias Lehmann se sert de cette trame narrative pour raconter l’histoire politique du Brésil dont la prise de pouvoir récente – peut-on dire l’élection – de Jair Bolsonaro a fait ressurgir les vieux démons. ...

21 janv. 2024 ·  BD

Dernier week-end de janvier

Est-ce un retour de Bastien Vivès à son meilleur niveau ? Sur le plan des dessins c’est indéniable, il semble avoir atteint un pallier sur lequel il évolue avec élégance. Il a un style bien a lui à la fois dans les dessins, dans la mise en page et dans ce choix du monochrome. Le tout est d’une élégance et d’une justesse rare, et ce Dernier week-end de janvier en est un exemple. ...

19 nov. 2023 ·  BD

Dans mes yeux

Depuis le temps que j’avais envie de lire cette BD, je l’ai enfin trouvée dans la réserve de la bibliothèque municipale. Une BD que l’on pourrait qualifier d’expérimentale puisque Bastien Vivès a imaginé nous faire vivre une expérience en immersion à travers ses yeux – les yeux du narrateur et de l’auteur – d’où le titre. Si l’on était dans le domaine du jeu vidéo on parlerait de vue à la première personne. ...

27 mai 2023 ·  BD

Le Poids des héros

Un flot d’émotions m’a submergé pendant la lecture de cette BD – je n’étais pas loin d’avoir les larmes aux yeux. L’histoire des grand-pères ayant vécu l’exil, la guerre et bien pire encore est émouvante, mais sa façon de se propager depuis l’enfance de l’auteur jusqu’à sa restitution sous la forme de cet ouvrage l’est peut-être encore plus. Elle traverse ainsi les générations et grâce à cette publication se transmet plus largement encore au grand public. Ce doit être une satisfaction pour David Sala, le poids de la responsabilité envers ses ancêtres doit peser moins lourd sur ses épaules. ...

13 avr. 2023 ·  BD  ♥

La trilogie Nikopol

Je mets le nez dans une trilogie qui est considérée comme une oeuvre majeure d’un grand auteur de la BD, Enki Bilal. Ces images de la fille aux cheveux bleus et de dieux égyptiens ne m’étaient pas inconnues. Je les avais souvent croisées sur des affiches – j’en ai même revu une récemment sur une vielle photo sur laquelle je figurais –, sur les couvertures des différentes éditions à la bibliothèque ou dans les librairies. Mais à chaque fois je détournais le regard, je n’avais pas envie de me plonger dans cette histoire. Tout ceci ne m’attirait pas vraiment. Je trouvais le style un peu trop “Humanoïdes Associés” et je ne goûte pas trop cet univers SF particulier des ouvrages de la maison au style réaliste souvent gore – que les puristes me pardonnent, je ne sais pas l’exprimer autrement, punk peut-être et tout ceci n’est pas très objectif, mais c’est mon ressenti. Tout ça pour dire que lorsque j’ai emprunté cette intégrale à la bibliothèque je n’étais pas très enthousiaste. ...

29 oct. 2022 ·  BD

Ailefroide

Jean Marc Rochette est surtout connu pour son travail de dessinateur sur la série le Transperceneige. Ici, dans un tout autre registre, il revient sur sa jeunesse et sur sa passion pour l’alpinisme. Il ne manque évidemment pas d’évoquer son autre passion pour le dessin et la bande dessinée en nous exposant les évènements et les choix qui ont présidés à son destin. Au crépuscule de sa vie – ne nous méprenons pas c’était pour la formule, je lui souhaite encore de longues et belles années –, il se livre et n’hésite pas à aborder des sujets intimes et certainement douloureux comme la relation compliquée avec sa mère. Que l’on ne s’y trompe pas le titre du livre n’est pas usurpé puisqu’il est avant tout question d’alpinisme. Il en parle avec passion et parvient rétrospectivement à retranscrire parfaitement la fougue et la passion de la jeunesse. ...

30 mai 2022 ·  BD

Le Chemisier

Je suis un grand fan de Bastien Vivès et je suis admiratif – et plus que ça – de son travail, mais, cette fois, je n’ai pas accroché. Je n’ai pas été sensible au second degré, à la métaphore, à l’allégorie dans ce nouvel opus. Le pitch est simple. Une jeune femme se voit obligée d’emprunter un chemisier car le sien a été souillé. A partir de ce moment sa vie va changer, elle va s’émanciper – disons ça comme ça. ...

6 mai 2022 ·  BD

Bug

Au risque de choquer, je dois dire que je ne suis pas un grand fan des dessins de Enki Bilal – sacrilège. Je dirais même qu’ils ne me plaisent pas – après tout c’est une affaire de goût, je ne remets pas en cause leur qualité. Mais la perspective d’un scénario comme celui de Bug m’a fait allègrement passer outre ma réticence. C’est génial d’imaginer la survenue d’un tel évènement. C’est certainement la plus grande catastrophe (le plus grand fléau) qui pourrait s’abattre sur notre monde capitaliste. ...

15 févr. 2022 ·  BD

Prendre refuge

Dans toutes les traditions bouddhistes, prendre refuge est le pas inaugural dans la voie de l’éveil. Il s’agit d’un acte de parole où l’on témoigne de sa confiance dans le bouddha, dans le dharma et dans le sangha (“les trois trésors”). – source Lorsque j’ai appris l’association de l’auteur de Boussole, Mathias Enard, avec celle du Piano Oriental, Zeina Abirached, je n’ai pas hésité une seconde à sauter sur ce livre. ...

24 mai 2021 ·  BD

Les Phalanges de l’Ordre Noir

Un baroud d’honneur Combat désespéré avant l’issue fatale d’une bataille, militaire ou non. – Wiktionnaire Cette expression résume à elle seule ce livre. C’est celui que d’anciens extrémistes de gauche face à des extrémistes de droite vont mener de nombreuses années après la guerre d’Espagne. A présent, ils sont devenus des vieillards et vont mener leur dernière bataille. Il s’agit d’un one shot touffu paru en 1979 – 1 an après ma naissance, ça commence à faire – que l’on doit à la collaboration entre Enki Bilal et Pierre Christin. ...

20 janv. 2019 ·  BD

Groenland Vertigo

Adapter les Racontars Arctiques en BD a donné des idées à Hervé Tanquerelle. Il met en scène son alter ego qui embarque pour une exploration digne d’une aventure de Tintin. Il ne cache pas ses sources d’inspiration puisque même la police de caractère utilisée sur la couverture rappelle – c’est peut-être la même d’ailleurs, les éditions Moulinsart pourraient lui faire un procès – les albums d’Hergé. Il exploite comme son ainé le contraste entre les paysages, et plus généralement les décors, détaillés et les personnages volontairement stylisés – les yeux de certains personnages rappellent ceux des personnages d’Hergé. Son autre idée était de mettre en scène une sorte de Jørn Riel (l’auteur des Racontars Arctiques qui a tiré ses récits de son expérience de plusieurs années au Groenland) en capitaine Haddock. ...

28 oct. 2018 ·  BD

Une soeur

Bastien Vivès nous livre une chronique des vacances d’été une sorte D’Hôtel de la plage moderne car oui le téléphone portable à fait son apparition. Même s’il n’a pas – encore – pris le dessus sur les indétrônables de la période que sont les cuites et l’amour. C’est alors pour un jeune garçon un peu introverti préférant le dessin aux activités sportives l’épreuve de la confrontation aux autres. Ce ne sont ni les premiers ni les derniers abrutis qu’il croisera. Il faut faire des choix, tenir tête ou entrer dans le jeu. Un frêle équilibre qui consiste à ne pas trop se travestir sans perdre la face. Et ce n’est que la première manche de l’épreuve de virilité. La deuxième est au moins aussi compliquée, les filles. ...

1 août 2017 ·  BD

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag II B

En ouvrant ce livre on sait tout de suite que c’est du Tardi, mais on pense aussi évidemment à un des chefs-d’oeuvre du neuvième art, le Maus1 de Art Spiegelman. Les deux oeuvres traitent du même sujet, la Seconde Guerre mondiale, mais c’est surtout le fait que ces deux grands de la BD racontent l’histoire de leur père respectif qui pousse à ce rapprochement. Ils utilisent des procédés narratifs similaires en s’incluant dans le récit pour apporter un contrepoint au témoignage du vécu. L’enfant – le jeune Tardi ou le jeune Spiegelman – auquel son père raconte l’histoire a des réactions qui paraissent parfois déplacées. Ce sont pourtant celles de l’opposition classique entre un père et un fils, mais aussi celles des personnes n’ayant pas vécu ces évènements tragiques. Tout l’intérêt est que ces réactions sont présentées au lecteur. En plus d’apporter un éclairage différent et d’enrichir la narration par ces échanges, les réactions de celui qui écoute l’histoire permettent de désamorcer celles du lecteur et le fait réfléchir. ...

7 févr. 2017 ·  BD

Le piano oriental

Je tournais autour depuis longtemps. J’ai souvent vu son visage jovial qui me faisait de l’oeil derrière les vitrines et j’ai fini par céder au festival de BD de Colomiers – je ne pouvais décemment pas repartir les mains vides. Après seulement quelques pages, je peux dire clairement que je ne regrette pas mon achat. En fait, en étant honnête, même avant de tourner les pages. A vrai dire dès le moment où je l’ai posé sur ma table de chevet j’étais content de posséder ce livre et je devais arborer a peu près le même sourire qu’Abdallah Kamanja sous son tarbouche. ...

22 mai 2016 ·  BD  ♥

Le goût du chlore

Il y a bien longtemps que je lorgne sur cette BD. Je suis un grand fan de Bastien Vivès pour son talent de dessinateur évidemment, mais aussi pour sa grande sensibilité qu’il dévoile avec des albums comme Polina, Dans mes yeux1 ou encore Le goût du chlore. J’ai tout de suite été attiré par le titre, je le trouve tout simplement magnifique – alors qu’il peut paraître tout à fait insignifiant. Il me revenait parfois en tête comme ça, mais je ne sais pour quelle raison, je ne l’avais jamais lu ou acheté. Comme le personnage principal, je me suis mis à la natation sur les conseils de mon kinésithérapeute. Depuis, fort de mon expérience en milieu chloré, je me suis senti prêt à plonger dans ce livre. ...

26 mars 2016 ·  BD

Asterios Polyp

Depuis que j’entends parler de ce livre, que j’hésite à l’acheter, j’ai enfin eu l’occasion de l’emprunter à la bibliothèque. Il correspond à l’image que je m’en étais faite. C’est un livre intelligent, cultivé et même un brin élitiste pour tout dire. Ce roman graphique – puisqu’il faut l’appeler ainsi – est techniquement très maitrisé, que ce soit sur le plan graphique, sur le plan narratif et sur le fond. Le style graphique épuré n’a pas empêché David Mazzucchelli de truffer ses dessins de détails qui ne sont jamais là par hasard. Le profil d’Asterios par exemple est symétrique. L’avant et l’arrière de sa tête peuvent être confondus lorsqu’il est dans la pénombre ou à contre-jour. On dirait le Janus de la mythologie romaine présentant deux visages de part et d’autre de sa tête. Voici un des moyens d’illustrer la dualité qui est l’un des fils rouge du livre – cette opposition, ce yin et yang est présente partout – et qui trouve sa source chez le jumeau du héros qui le hante. On peut aussi penser à une matérialisation de la vie du personnage et de la narration. Une partie du visage regardant vers son avenir et une partie vers son passé. La narration suit une forme classique, mais toujours aussi efficace. Des flashbacks permettent au lecteur de comprendre comment Asterios en est arrivé là alors que l’histoire continue d’avancer dans le présent. ...

1 janv. 2016 ·  BD  ♥

Le policier qui rit

Il y a très longtemps que je n’ai pas lu de polar. Tomber sur un polar adapté en BD est l’occasion rêvée de se remettre en selle. L’heureux élu est Le policier qui rit, l’un des dix romans que compte la série des enquêtes de Martin Beck écrite par un couple d’écrivain suédois, Maj Sjöwall et Per Wahlöö. Lorsque le passage du roman à la BD est bien réalisé, l’expérience se révèle très convaincante. Le scénariste est obligé de tirer la quintessence du roman policier pour en réaliser l’adaptation en bande dessinée. Il n’a pas le choix, il doit trancher, les raccourcis que permettent les dessins ne sont pas suffisants – pensez un instant au défi relevé par le courageux scénariste qui est parvenu à adapter le Dahlia Noir1. Le lecteur bénéficie alors d’un concentré de polar. ...

25 juin 2015 ·  BD

La patience du tigre

J’ai entendu parler de Frédéric Bernard pour la première fois lors de la sortie de Chroniques de la vigne: conversations avec mon grand-père1 – je l’avais offert à un ami (amateur de vin) et j’avais raté de peu la séance de dédicace organisée à Toulouse à la librairie Terres de Légendes. C’est d’ailleurs à l’issue d’une discussion avec le libraire que mon regard s’est posé pour la première fois sur La patience du tigre – très belle couverture. Jean-Pascal m’avait alors dit quelque chose comme “il est encore meilleur dans le noir et blanc” – en plus intelligent évidemment. J’ai fait main basse dessus lorsque je l’ai croisé pour la deuxième fois à la bibliothèque et je ne l’ai pas regretté – au moins au début. ...

22 juin 2014 ·  BD

Devant ma maison

J’aime beaucoup les imagiers pour les petits. Ils contiennent plein de choses à découvrir, à identifier et à nommer. L’inconvénient est qu’il sont décousus, il n’y pas ou peu de liant entre les planches et ils ressemblent parfois un peu trop à un catalogue. Marianne Dubuc a trouvé une parade, elle combine dans son livre l’imagier et le livre de conte. Tout part de la maison – l’un des premiers dessins réalisés par les enfants. Dans la maison il y a la chambre et sous le lit – lieu de toutes les peurs – un livre de contes – il y a aussi une vielle chaussette juste à côté. Et là, tout bascule. On entre dans le livre pour y trouver une princesse, un dragon, etc. Elle nous ballade comme cela en jonglant entre l’imaginaire des contes de fées et le monde réel. Le principe de passage d’un dessin à l’autre fonctionne un peu à la manière de la comptine Trois petits chats – vous savez “Marabout, Bout d’ficelle […]” – un dessin amenant l’autre à partir d’une transition souvent subtile. D’ailleurs, il est assez réjouissant de voir que l’illustratrice Québécoise ne prend pas les enfants pour des imbéciles. Par sa mise en scène, elle les pousse à réfléchir et bouscule les codes conventionnels – attention, j’ai lu dans un commentaire les récriminations de parents choqués par la présence d’un vampire, on croit rêver. ...