Pour préparer la sortie du cinquième tome de Blacksad, j’ai entrepris de relire les précédents. Cette nouvelle lecture a produit sur moi la même impression qu’il y a des années – une dizaine – lorsque j’avais découvert ce qui n’était pas encore une série. Une grande claque. Graphiquement le résultat est époustouflant: le raffinement des dessins, leurs détails, la représentation des intérieurs avec des points de vue audacieux en plongée notamment. Le bureau de Blacksad, cette pièce surchargée de meubles et d’objets, en est une illustration parfaite. Elle est visualisée sous plusieurs angles et la mise au point de ces cases a dû représenter un travail considérable – à ce stade il faut être un passionné ou un maso.

Puis il y a ce qui est emblématique de la série, les personnages anthropomorphiques. Cet exercice est loin d’être accessoire et, pratiqué à ce niveau, il devient un art. Le choix des animaux est toujours pertinent et donne une clé de lecture visuelle sur la psyché des personnages – c’est parfois le cas dans la vie réelle, on dit bien “il a une tête de con celui-là”. là aussi il y a du boulot derrière, les personnages actifs et passifs (les figurants) foisonnent, un exemple impressionnant dans ce registre est le bar des reptiles. Le dessinateur a travaillé pour les Studios Walt Disney et on le remarque parfois – la souris qui fait le ménage par exemple. Puis on oublie que ce sont des animaux et on entre dans l’histoire.

Elle est classique et reprend les canons du genre en relatant l’enquête d’un privé solitaire – avec l’imperméable et la cigarette – sur un drame qui le touche personnellement. Dans le même registre, la carte de l’ambiance des années 50 est jouée à fond jusqu’au cliché, elle ajoute une touche d’élégance à cette BD. 10 ans après elle n’a pas vieilli, son ancrage dans les années 50 de la mémoire collective la rend intemporelle. Elle fait partie de ces bandes dessinées qui deviendront des classiques – si elle ne l’est pas déjà – et qui seront lues par plusieurs générations.


Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido, Blacksad: Quelque part entre les ombres, Dargaud, 2000, 48 p, Amazon.