Nous avons bâti un système qui n’est stable que dans l’expansion.

Juste avant de lire ce livre, j’avais écouté avec un vif intérêt Jean-Marc Jancovici qui était l’invité de la matinale de Guillaume Erner sur France Culture. Il était là pour parler de son association (ou think tank) The Shift Project et du livre qu’elle vient de faire paraître juste à temps pour l’élection présidentielle, Climat, crises: Le plan de transformation de l’économie française1. J’avais été bluffé par sa pertinence sur l’ensemble des sujets touchant à l’énergie et au réchauffement climatique – le second étant la conséquence du premier. La deuxième chose qui m’a impressionné est son éloquence, sa façon de trouver les mots justes, les bons exemples, les bonnes images pour que les idées qu’il défend apparaissent comme une évidence. Imaginez maintenant ce didactisme, cette éloquence appuyée par des illustrations et une narration d’une grande qualité et vous obtenez Le monde sans fin, un incontournable pour comprendre la plus grande crise que s’apprête à traverser l’humanité.

Lorsque Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici – ou plutôt leurs avatars – nous montrent la courbe des dépenses énergétiques par personne (détaillée par type d’énergie) et que l’on constate qu’elle passe de 5000 kWh en 1860 à 25000 kWh en 2010 (multiplié par 5 en 150 ans) et que chaque nouvelle source d’énergie n’en remplace pas une autre, mais vient s’additionner aux autres, on a vite compris que la solution ne se trouve pas dans les sources d’énergie – même si leur impact sur le climat n’est pas le même –, mais dans leur consommation. Quand, dans le même temps, on observe l’explosion démographique qui a eu lieu – et qui continue – depuis la révolution industrielle on prends conscience, via ce facteur multiplicatif qui croit de manière exponentielle, de l’ampleur du problème. On sent dans les explications la patte de l’ingénieur car tout part de la transformation de l’énergie, le fameux “rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme”, puis la fibre économique et politique.

[…] c’est-à-dire que dans un litre d’essence tu as la même capacité à transformer l’environnement que dans 10 à 100 jours de travail de force d’un être humain. Cette énergie est incroyablement peu chère [1,5 €] par rapport au gain qu’elle apporte.

Le discours d’une limpidité absolue est accompagné par des dessins et des schémas qui, en plus d’être clairs et pertinents – vous savez la fameuse puissance de vulgarisation de la bande dessinée –, sont percutants, élégants et même souvent drôles, merci monsieur Blain – il faut dédramatiser un peu. Depuis que j’ai lu ce livre, j’ai compris – il me semble – beaucoup de choses, et je ne vois en tout cas plus ce problème de la même manière. J’en parle chaque fois que j’en ai l’occasion – et donc une fois de plus ici. Pour ne pas empirer la situation préférez l’emprunt à la bibliothèque à l’achat sur internet, mais n’hésitez tout de même pas à l’offrir – ce que je ne manquerai pas de faire – car je pense que la prise de conscience qu’il engendrera contribuera à tendre rapidement vers un bilan carbone positif de votre dépense.


Blain Christophe & Jancovici Jean-Marc, Le monde sans fin, Dargaud, 2021.