Ce roman, comme les autres romans autobiographique d’Edouard Louis, est poignant. Il est poignant parce qu’il est dur et vrai. L’alcoolisme, la violence et la mort. Les traumatismes de l’enfance ne guérissent jamais. Son frère a été rabaissé et rejeté par son père, il n’a pas eu la force de surmonter cette blessure et s’est suicidé à petit feu. Dans le milieu défavorisé qui l’a vu naître, et dans lequel il a toujours vécu, il n’y a pas grand chose pour s’accrocher, aucune prise stable, tout glisse et se dérobe.
[…] c’est aussi ça l’Injustice, certains jours il me semble que l’Injustice, ce n’est rien d’autre que la différence d’accès à l’erreur, il me semble que l’Injustice, ce n’est rien d’autre que la différence d’accès aux tentatives, qu’elles soient ratées ou réussies, et je suis tellement triste, je suis tellement triste.
La réalité de ces vies nous éclate au visage, si le livre est dur à lire il a du être encore plus dur à écrire. Edouard Louis ne cache pas ses propres contradictions, il n’a peut-être pas fait tout ce qu’il aurait pu faire. Comme il l’a raconté dans En finir avec Eddy Bellegueule, il a fui la classe sociale destructrice dont il est issu. La fuite était certainement le seul moyen de survivre.
Si les rêves de mon frère étaient si vastes, et si désajustés par rapport à son existence, si ses rêves le plongeaient dans ce désespoir qui un jour est devenu la substance de sa vie, alors c’est que les mécanismes du déterminisme social ont échoué à totalement conditionner la personne qu’il était. La société n’a pas accompli sa mission. Ou elle n’en a accompli qu’une partie: la précarité, l’isolement, l’alcool. Mais pas le reste. Pas la délimitation des rêves.
Edouard Louis. L’effondrement. Seuil, 2024.