Pendant toute mon enfance j’ai espéré ton absence.

Après le fils, Edouard Louis, dans En finir avec Eddy Bellegueule, le frère dans L’effondrement, la mère dans Combats et métamorphoses d’une femme et Monique s’évade, je demande le père. Le livre est très court et ressemble à une longue lettre que l’auteur adresse à son père suivie d’une sorte de pamphlet politique – il me semble que c’est la première fois qu’il s’aventure sur ce terrain. Cette dernière partie est assez faible et vient conclure son analyse sans appel – d’ailleurs le titre ne comporte pas de points d’interrogation. C’est la fatalité qui a tué son père, une prédétermination, via sa classe sociale, à vivre cette vie et à mourir de cette façon.

Je voudrais essayer de formuler quelque chose: Quand j’y pense aujourd’hui, j’ai le sentiment que ton existence a été, malgré toi, et justement contre toi, une existence négative. Tu n’as pas eu d’argent, tu n’as pas pu étudier, tu n’as pas pu voyager, tu n’as pas pu réaliser tes rêves. Il n’y a dans le langage presque que des négations pour exprimer ta vie.

Ce qui est plus intéressant en revanche, c’est quand Edouard Louis gratte le vernis et cherche la sensibilité refoulée chez ce père absent, colérique et alcoolique. Peut-être avaient-ils finalement plus de choses en commun ? Peut-être avait-il un peu en lui ce qu’il reprochait à son fils et qui fera sa singularité au sein de cette famille. Un signal faible, mais qui pourrait suffire à nourrir des regrets sur ce rendez-vous manqué.


Edouard Louis. Qui a tué mon père. Seuil, 2018.