Près d’un siècle après, Jean Rolin marche dans les traces de Thomas Edward Lawrence plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie. Il part comme lui sillonner le Moyen-Orient, notamment le Liban et la Syrie, pour visiter les forteresses et les châteaux bâtis par les croisés dont le Crac (parfois orthographié Krak) qui a donné son nom au livre. C’est un livre semblable à son précédent opus, Le Traquet Kurde, même s’il y est un peu moins question d’ornithologie – on ne se refait pas – et un peu plus de T. E. Lawrence. Un récit de voyage, mais à la Jean Rolin, avec de l’humour, de l’espièglerie, du second degré et beaucoup d’érudition.

De mon point de vue, ce qui fait de Tripoli une ville incomparable à tout autre, c’est aussi que le mardi 7 octobre, me rendant à la citadelle, je me sois foulé la cheville puis étalé en pleine rue, au milieu de la circulation, dans le quartier des souks, alors que je venais de remarquer successivement une banderole à l’effigie de Saddam Hussein et surchargée de cette maxime: “Les géants ne tombent que quand ils sont trahis”, puis, suspendue à la devanture d’une boutique dépourvue de vitrine ouverte sur la rue, comme c’est l’usage au Moyen-Orient, une cage contenant un chardonneret.

Il est difficile, en lisant cette citation, de ne pas se rendre compte de la virtuosité de l’auteur – et de son autodérision. Il n’hésite pas à se lancer dans de longues phrases – qui peuvent parfois s’avérer difficiles à suivre. L’autre particularité du livre réside dans le parallèle permanent qui est fait, citations à l’appui, entre l’épopée de Jean Rolin – en voiture avec chauffeur et non a dos de chameau – et celle celle de son illustre prédécesseur. Il met en évidence les changements qui se sont opérés en 100 ans – ils ne se limitent pas au remplacement du chameau par la voiture – qui se manifestent par les traces laissées par les guerres et la société de consommation sur les lieux visités. Même si j’ai parfois décroché et même si je n’ai pas retenu le dixième des propos de l’auteur sur l’histoire – et la faune – de la région, j’ai profité de la balade tout au long du livre, un demi sourire aux lèvres.


Jean Rolin, Crac, P.O.L, 2019, 192 p, Amazon.