J’ai reçu cette belle intégrale lorsque j’ai quitté ma première entreprise – pour le dire vite, ça remonte un peu. Je ne sais pas pourquoi je ne l’avais pas lue depuis et je ne sais pas non plus pourquoi j’ai eu envie de la lire maintenant – peut-être que le confinement n’est pas étranger à cet appel des grands espaces. Et c’est peu de dire que j’ai pris une énorme claque, cette BD est un monument.

Il s’agit d’un hybride entre un reportage photo et une BD qui raconte le reportage qu’a effectué le photographe Didier Lefèvre aux côtés de Médecins sans Frontières (MSF) lors d’une de leurs missions en Afghanistan à la fin des années 80. La mission consistait à traverser clandestinement la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. Tout ceci au sein d’une caravane qui cheminait pendant des semaines au travers des montagnes, les provisions (notamment le matériel médical) transportées par des ânes et des chevaux et le tout encadré par des combattants moudjahid. L’objectif était d’établir un hôpital de campagne en Afghanistan afin de soigner les blessés de la guerre qui opposait alors les afghans aux russes.

J’avoue bien humblement que je ne savais pas que les membres de MSF prenaient de tels risques pour accomplir leur mission. Le photographe les accompagne et découvre un peu lui aussi – et donc nous fait aussi découvrir – a peu près tout, la géographie, les coutumes et la médecine de guerre. Et, comme l’on peut s’en douter, cette aventure n’est pas une promenade de santé et il va l’apprendre à ses dépends. Cette expérience le changera à jamais et ce témoignage, même reçu depuis le confort de son canapé, est bouleversant à plus d’un titre. C’est l’occasion de rencontrer des personnages hors du commun. Chez MSF comment ne pas être bluffé par Juliette Fournot qui assume – en tant que femme dans ce milieu très masculin – sont rôle de chef de mission avec autant d’autorité et de compétences c’est pareil pour les médecins qui ont mis de côté leur confort occidental pour risquer leur vie pour en sauver d’autres à l’autre bout du monde dans le dénuement le plus total.

Le fait que la transmission de ce récit soit aussi forte doit aussi beaucoup au dessinateur et scénariste Emmanuel Guibert. Les dessins, les couleurs, les différents plans, l’alternance et le jeu avec les photos tout est parfait pour offrir une expérience inoubliable et un hommage à la hauteur des exploits réalisés par ces femmes et ses hommes. Enfin le récit vient parachever ce travail de façon magistrale alors que l’on apprend à la fin du livre que Didier Lefèvre avait perdu son carnet de notes – quel aurait été le résultat si ces informations avaient été disponibles. Une BD à ajouter en bonne place dans mon Panthéon.

P.-S.: Un grand merci à mes collègues de l’époque pour ce cadeau et notamment à Christian qui n’est très certainement pas pour rien dans ce choix pertinent.


Didier Lefèvre & Emmanuel Guibert, Le Photographe: Intégrale, Dupuis, 2010, 272 p, Goodreads.