Moon Palace

Je suis un inconditionnel de Paul Auster et je poursuis, avec la lecture de Moon Palace, le parcours de son oeuvre. Le livre commence bien, le personnage principal est un jeune homme étrange dont la vie n’est pas simple. Il est passionné de littérature, anticonformiste, bref un personnage comme on les aime. Puis, il fera la rencontre d’un vieil homme au passé trouble et qui pourrait bien se révéler être encore plus étrange que lui. Leur rencontre est-elle le simple fruit du hasard ? ...

Soumission

“C’est la soumission” dit doucement Rediger. “L’idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue.” Quoi que l’on en dise, Michel Houellebecq s’assagit avec le temps – il vieillit peut-être ? Depuis maintenant deux romans, il devient plus consensuel et gomme petit à petit la violence et le sexe – il en reste tout de même un peu rassurez-vous – de ses ouvrages pour les rendre plus cérébraux – voir l’article consacré à son précédent roman, La carte et le territoire. Ceux qui parlent de Soumission comme d’un livre polémique n’ont rien compris. ...

Vernon Subutex T1

Virginie Despentes a écrit son voyage au bout de la nuit. Enfin celui de Vernon, un disquaire qui n’a plus que son iPod en poche. La fête est finie, plus de disque ou au moins de magasin qui en vend, les trente ans sont loin, les pots qui ont un peu trop abusé des bonnes choses tombent comme des mouches et c’est carrément tout notre monde occidental d’opulence qui est en train de méchamment se casser la gueule. Bref, c’est la grosse merde. ...

Extrêmement fort et incroyablement près

Extrêmement original et incroyablement émouvant voilà comment résumer ce livre en reprenant les termes préférés d’Oskar. Oskar est un petit garçon surdoué qui a perdu son père lors des attentats du 11 septembre. Ils entretenaient une relation très fusionnelle et très complice et son père lui manque bien sûr beaucoup. Un jour en cherchant dans ses affaires, il casse un vase et découvre une enveloppe au nom de Black contenant une clé. La recherche de la serrure correspondante va être une quête pour Oskar, son absolue priorité, une manière de prolonger la relation avec son père. ...

La moustache

Je crois n’avoir jamais lu de romans d’Emmanuel Carrère et je crois me souvenir qu’il disait dans Le Royaume ne plus en écrire depuis longtemps – à la place il écrit de la non-fiction. Lorsque mes yeux se sont posés sur le mince volume de La moustache à la bibliothèque, je me suis dit que c’était l’occasion. A vrai dire, je l’aurais lu depuis longtemps, si le fait d’avoir vu l’adaptation au cinéma interprétée, en autre, par le magistral Vincent Lindon ne me faisait craindre de lire une histoire complètement déflorée. Mais le temps a passé et je ne me souviens à présent que de cet évènement qui est au coeur de l’histoire et qui concerne un des attributs les plus masculins qui soit: la moustache. Même si cette scène est très connue, je regrette de rater le plaisir de la découvrir en lisant le livre. Sachant cela, je me concentre sur l’écriture, sur l’ambiance et je me dis que c’est dommage qu’Emmanuel Carrère n’écrive pas plus de romans – il trouve certainement que la réalité est bien plus romanesque. Il a le ton juste, des phrases courtes, une belle écriture qui n’en fait pas trop tout en étant élégante. Pour tout dire, ce roman m’a fait penser à ceux de Jean-Philippe Toussaint pour le style avec une forte inspiration des romans de Philip K. Dick pour la manipulation de la réalité – ou des réalités – et le le côté paranoïaque du personnage. Ce n’est pas pour rien qu’il a écrit Je suis vivant et vous êtes morts. ...

Supplément à la vie de Barbara Loden

Derrière ce très beau titre, se cache une idée assez originale. Nathalie Léger, ou plutôt la narratrice puisqu’il s’agit d’un roman, doit écrire une notice biographique sur Barbara Loden. Elle nous raconte dans ce petit livre cette expérience, ses recherches, son travail, ses doutes. Barbara Loden était une actrice et réalisatrice qui a connu son heure de gloire – enfin si l’on peut parler ainsi – dans les années 70. Son CV de réalisatrice ne compte qu’un seul et unique film, Wanda dans lequel elle tint le rôle principal. Peut-être parce que le personnage principal lui ressemblait beaucoup, une fille perdue qui passe à côté de sa vie. ...

Le cas Sneijder

Le cas Sneijder me fait beaucoup penser à un autre livre de Jean-Paul Dubois que j’avais bien apprécié: Kennedy et moi. Avec le temps et les souvenirs qui se sont émoussés, je les prendrais presque pour des clones. Sans aller jusqu’à là, je pense qu’ils ont beaucoup de points communs. Les narrateurs et personnages principaux des deux livres se ressemblent, Le ton, sorte de mélange très réussi entre de l’humour de la mélancolie et du cynisme – le livre vaut d’être lu rien que pour ça, L’épouse du narrateur et leurs jumeaux sont les mêmes ou presque – des emmerdeurs de première, La présence d’une montre, L’omniprésence de la dépression. Le début est génial, l’incipit est terrible et les réflexions sur l’existence et ses non-sens sont bien trouvées et exprimées. ...

14

D’habitude je ne cite pas les quatrièmes de couverture, mais là je ne peux pas résister. Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d’entre eux. Reste à savoir s’ils vont revenir. Quand. Et dans quel état. Jean Echenoz va bien aux éditions de Minuit et vice-versa. Ainsi le contenant ressemble au contenu: sobre, épuré et élégant. Si vous voulez vous convaincre du lien qui existe entre l’écrivain et cette maison, lisez Jérôme, l’hommage qu’il a rendu à Jérôme Lindon qui en fut l’emblématique directeur. ...

Kafka sur le rivage

Confortablement installé sur le canapé, j’observe les alentours et me rends compte que ce salon est exactement l’endroit que je cherchais depuis longtemps. Un endroit secret, tapi dans un creux du monde, exactement comme celui-là. Mais jusqu’ici ce lieu n’existait que dans le secret de mon imagination. Je n’arrive pas encore à croire tout à fait qu’il existe réellement. Je ferme les yeux, inspire profondément, et il s’installe doucement en moi, comme un doux nuage. C’est une sensation agréable. Je caresse lentement de la paume le revêtement crème du canapé, je me lève, me dirige vers le piano, soulève le couvercle, pose mes dix doigts sur les touches un peu jaunies. Puis je le referme, fais le tour de la pièce en foulant le tapis ancien aux motifs de grappes de raisin. J’allume le lampadaire, l’éteins. J’examine les peintures qui ornent les murs. Puis je me rassieds dans le canapé, et me plonge dans ma lecture. ...

Karoo

Saul Karoo est un docteur en scénarios. Il oeuvre pour l’industrie du cinéma et parvient parfois à faire des miracles. Il est grassement payé pour ses services, on peut mesurer son talent à la taille de son compte en banque – même si ce n’est pas toujours proportionnel dans ce milieu. A part ça, c’est un gros looser. Il a divorcé, il ne voit jamais son fils – il l’évite –, il est dans un état de santé proche de celui d’un cadavre, il n’a plus d’assurance maladie, il fume, il boit et ne parvient même pas à être saoul. Et c’est certainement l’une des raisons qui font que ses aventures sont si plaisantes à lire. On se sent comme l’homme idéal comparé à lui – enfin la taille du compte en banque en moins. ...

Un soir au club

Un jour il a claqué la porte. Terminé le piano, le jazz et les clubs. Et tout ce qui va avec: la nuit, l’alcool et les femmes. Depuis, il s’est reconstruit une petite vie tranquille. Un travail sérieux – et ennuyeux –, une femme aimante et attentionnée – bien loin des tumultes de la passion en somme. Bref, tous les ingrédients qui l’avaient transformé en un monsieur tout le monde heureux – au moins en apparence. Puis un soir, l’occasion s’est présentée, le hasard, la tentation. C’est comme pour les fumeurs repentis, il suffit d’en retoucher une seule, rien qu’une petite et c’est reparti. Il replonge donc ou il revit, c’est une question de point de vue. ...

Des éclairs

Je clos avec Des éclairs ma lecture de la trilogie des Vies imaginaires. Il est donc l’heure de faire un bilan et de considérer l’oeuvre dans son ensemble. Jean Echenoz a voulu évoquer le destin de trois hommes qui ont marqué leur époque dans trois domaines distincts: l’art (la musique avec Maurice Ravel), le sport (la course à pied avec Emil Zátopek) et la science (la physique avec Nikola Tesla). Pour quelle raison a-t-il fait ce choix là ? Peut-être a-t-il souhaité mettre en avant le contraste entre leur réussite dans la sphère professionnelle et l’échec – ou le relatif échec – de leur vie privée. Il semblerait que les trois personnages soient si spécialisés dans leur domaine de compétences qu’ils soient complètement inadaptés à la vie. On ne peut pas tout faire. ...

Ciseaux

Une histoire d’amour, celle de Maryann et de Raymond. Une histoire qui a démarré un peu trop vite. Raymond et Maryann sont mariés lors de la naissance de leur deuxième enfant, Raymond a 20 ans et Maryann deux ans de moins que lui. On était des gamins, avec deux enfants arrivés trop tôt. Qu’est-ce que vous faites quand la route se resserre et que vous ne pouvez plus reculer ? Raymond avait une destinée, celle d’être écrivain. Ce métier, surtout lorsque l’on n’est pas connu et que l’on n’a pas d’argent, est difficilement compatible avec la vie de famille. Alors, ils ont dû cumuler les petits boulots, mettre de côté les études, pour subvenir aux besoins de leur famille. Les journées sont longues et pénibles, il est difficile de se concentrer. Qu’importe Raymond écrira quand même. ...

Le Livre des illusions

Je ne sais pas trop quoi dire. Je suis un peu déstabilisé, c’est la première fois que je n’apprécie pas un livre de Paul Auster. Pourtant, on présente ce Livre des illusions comme une pièce maitresse de l’oeuvre de l’écrivain new-yorkais. Paul Auster est un précurseur, il a mis le cinéma muet à l’honneur bien avant qu’il soit brusquement sorti des oubliettes par le triomphe du film The Artist. Jean Dujardin tiendrait ici le rôle d’Hector Mann, un acteur qui a connu le succès, mais qui n’a pas su – ou pu –, principalement à cause d’un accent étranger, prendre le virage du cinéma parlant. Comme Paul Auster adore les récits gigognes, c’est un autre écrivain, David Zimmer, qui se charge de nous raconter son histoire. Puis les récits gigognes deviennent des récits enchâssés puisque les deux personnages – n’oublions pas que Zimmer est un personnage – vont vivre un drame et le hasard, toujours lui, finira par les rapprocher. Le tout se déroule sous le haut patronage de Chateaubriand et de ses Mémoires d’outre-tombe1. ...

De si braves garçons

Après un Nobel et le visionnage d’un reportage de Bernard Pivot lui étant consacré, j’ai voulu lire du Modiano – j’ai seulement deux livres à mon actif. On était dimanche – non je ne voulais pas acheter de livre sur mon Kindle –, j’ai donc commandé le “Quarto” 1 qui compile “l’épine dorsale de ses autres romans” et je suis parti au marché de Saint-Aubin bien décidé à dénicher chez les nombreux bouquinistes un volume, à la belle couverture crème et aux liserés rouges, siglé “NRF”. Après avoir passé au crible quelques étals, j’en tiens un. Une belle prise – qui ne figure pas dans le “Quarto” – une édition de 1982 en très bon état pour 6 €: De si braves garçons – il coutait 55 Francs à l’époque. ...

Bonjour tristesse

On parle beaucoup de Sagan en ce moment. Ma grand-mère était une grande lectrice et aimait Sagan. Je me suis donc mis en quête de son plus célèbre roman Bonjour tristesse et je l’ai vite retrouvé dans sa bibliothèque. Le volume en question est une réédition pourvue d’une jaquette qui a un peu – beaucoup – vieilli, notamment la police de caractère utilisée pour le titre – elle ressemble un peu à du Comic Sans MS. Mais qu’importe, c’est le contenu qui prime. ...

Courir

Faire marcher la machine, l’améliorer sans cesse et lui extorquer des résultats, il n’y a que ça qui compte et sans doute est-ce pour ça que, franchement, il n’est pas beau à voir. C’est qu’il se fout de tout le reste. Cette machine est un moteur exceptionnel sur lequel on aurait négligé de monter une carrosserie. Son style n’a pas atteint ni n’atteindra peut-être jamais la perfection, mais Émile sait qu’il n’a pas le temps de s’en occuper : ce seraient trop d’heures perdues au détriment de son endurance et de l’accroissement de ses forces. Donc même si ce n’est pas très joli, il se contente de courir comme ça lui convient le mieux, comme ça le fatigue le moins, c’est tout. […] Je courrai dans un style parfait quand on jugera de la beauté d’une course sur un barème, comme en patinage artistique. Mais moi, pour le moment, il faut juste que j’aille le plus vite possible. ...

La promesse de l’aube

De ma lecture de La promesse de l’aube cet été, j’ai retenu quelques citations et une impression mitigée qui m’a rendu la tâche d’écrire sur ce livre très difficile. J’ai trouvé qu’il oscillait en permanence — et ce dès le début et jusqu’à la fin – entre l’émotion et le burlesque d’une façon assez déstabilisante. Romain Gary est un mystificateur génial, il l’a prouvé de façon magistrale avec son double Goncourt – performance inégalée et inégalable. Cette facette est très bien illustrée dans ce livre dans lequel il fait passer le lecteur du rire aux larmes jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il s’est fait avoir. Oui car ce livre est un roman, mais le roman de sa vie. ...

Video games

En ouvrant ce Video games, j’étais parti pour lire quelques pages par curiosité et abandonner la lecture, convaincu par avance que ce livre était une imposture, un édifice à la gloire du marketing conçu pour occuper l’esprit tourmenté de trentenaires dépressifs et nostalgiques de leur jeunes années. J’ai donc lu le premier chapitre, qui est une allégorie du capitalisme à base de Pac-Man, et j’ai eu envie de lire la suite. Même si le propos est vraiment tiré par les cheveux, je l’ai trouvé assez intéressant. ...

Le livre du roi

J’avais entendu parler dans un hors-série Le Magazine littéraire / Marianne daté de juillet 2013 d’un roman intitulé Le livre du roi. Ce n’était pas forcément une bonne chose car j’avais trouvé qu’ils en faisaient beaucoup avec leur dossier et que tout ça sentait un peu trop la propagande. Mais bon, je décide quand même de tenter l’aventure – c’est Le Magazine littéraire quand même. Je ne sais pas pour quelle raison, mais j’avais envie d’un roman un peu dans le genre que je nomme ésotérique. Même si ce n’est pas le terme idoine, il regroupe pour moi des romans allant de ceux du très élitiste Umberto Eco 1 à ceux du plus populaire Dan Brown 2. Des fois on a des envies qui ne s’expliquent pas. ...