L'empire de la douleur

Je suis désolé de te le dire, mais tu pourrais devenir le Pablo Escobar de l’an 2000 [un anesthésiste à Richard Sackler]. Cette enquête porte sur les origines de la crise des opioïdes qui fit – et qui fait peut-être encore – de nombreuses victimes aux États-Unis. Cette crise plonge ses racines dans une dynastie familiale, les Sackler, qui mit sur le marché des médicaments antidouleur – notamment l’OxyContin à base d’oxycodone – et promurent leur utilisation de façon débridée. ...

Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes

Lionel Shriver a une réputation d’anticonformiste et c’est cette réputation qui m’a poussé à lire son dernier livre – j’ai un petit penchant même pas coupable pour les pourfendeurs de la bien-pensance ambiante. Son personnage principal est de la même trempe qu’elle – oui elle a un prénom masculin – en plus d’être une avant-gardiste. Elle a arboré un tatouage à l’époque où ces attributs n’était arborés que par des minorités et bien avant que tout un chacun se couvre le corps de mandalas. Il en va de même pour le sport qu’elle pratique assidûment depuis toujours, bien avant que le fait de ne pas sortir faire son jogging hebdomadaire vous fasse passer pour un junkie déprimé. Elle se déplace exclusivement et depuis toujours à vélo lorsque ce moyen de locomotion n’était utilisé que par les plus modestes qui se déplacent désormais en voiture, le vélo étant entre les mains des urbains responsables actant – tout en étant parfaitement dans la tendance – activement contre le réchauffement climatique. À ce propos, le parcours de la piste cyclable à New York est hilarant. Alors, lorsque son mari, pas particulièrement sportif, se met en tête de courir un marathon, coaché par une femme sculpturale qui à l’âge d’être sa fille, s’en est trop. ...

Underground

Haruki Murakami n’écrit pas que de la fiction, en voici un des plus beaux exemples avec ce livre consacré aux attentats de 1995 perpétrés dans le métro de Tokyo par la secte Aum à l’aide de gaz sarin. Murakami revient dans la partie médiane du livre sur ses motivations. Après une longue période passée à l’étranger (aux États-Unis), il a souhaité tenter de mieux comprendre son pays (le Japon) et ses habitants au travers de ce drame. Pour ce faire, il a récolté et retranscrit des témoignages. Il consacre la première partie du livre aux victimes avant de donner la parole, dans une seconde partie, aux membres de la secte. Ces deux parties étant séparées par un intermède dans lequel l’auteur fait part de ses motivations et expose sa méthodologie. ...

Chroniques de l'oiseau à ressort

J’avais un tel bon souvenir de ce livre, lu il y a un quinzaine d’années, que j’ai décidé de le relire. Ce n’est pas une décision sans conséquence tout d’abord car le livre compte tout de même 850 pages et ensuite car relire – comme revoir – une oeuvre est prendre le risque de gâcher le souvenir enchanté de la première impression – il peut s’évanouir définitivement. Heureusement, j’ai évité cet écueil et cette relecture n’a fait que conforter ma première impression. Je trouve même qu’il s’agit très certainement de l’un des livres d’Haruki Murakami les plus aboutis – si ce n’est peut-être plus abouti, je n’ai pas encore tout lu, mais presque. Il contient l’essence de son oeuvre. J’ai même été surpris de constater qu’il a beaucoup de points communs avec son dernier livre, Le meurtre du commandeur: le puits / le sous-terrain, le passage entre les réalités, la présence de la guerre sino-japonaise, la disparition d’une soeur. ...

Le Meurtre du Commandeur T2

J’avais cru, après la lecture du premier tome, que l’histoire allait prendre de l’ampleur dans le second tome, que les éléments patiemment mis en place allaient enfin s’assembler pour créer une histoire belle, profonde et très originale. Mais j’ai l’impression que tout cela n’est jamais arrivé. Il est vrai que la lecture est plaisante, mais tant de pages pour si peu de densité, c’est un peu exagéré. Même si la phrase de Murakami est toujours aussi agréable, ce n’est pas suffisant sur la durée – vu la longueur totale des deux tomes. Je sais que tout n’est pas au premier degré et que certaines choses ne sont qu’évoquées, mais tout de même. Je pense avoir déjà constaté ce défaut dans les livres les plus récents de Murakami comme 1Q84, mais ici c’est le summum. A contrario on ne peut pas reprocher à l’auteur japonais de faire dans le main stream, dans le roman calibré où chaque chapitre se termine par un cliffhanger – on en est loin. ...

Le Meurtre du Commandeur T1

La sortie d’un nouveau Murakami est devenue au fil du temps un événement mondial. L’auteur japonais a acquis une notoriété qui lui aurait certainement valu une reconnaissance par le comité Nobel littérature si celui-ci n’était pas tombé en disgrâce. A une bien moindre échelle, j’ai moi même été victime de cet engouement qui m’a conduit à me procurer à prix d’or (près de 50 €) les deux tomes, dès leur sortie en librairie – alors que je préfère habituellement attendre l’arrivée des livres sur le marché de l’occasion. Alors que faut-il en penser ? Est-ce le chef-d’oeuvre qui couronne son oeuvre ? ...

1Q84 T2

L’histoire démarrée dans le premier tome se poursuit – là, je viens d’écrire quelque chose de révolutionnaire. En même temps, il ne se passe pas des tonnes d’événements dans ce second volet et il ne matérialise aucun virage important dans la fiction mais plus une stagnation. Je pourrais – rassurez-vous je ne vais pas le faire – le résumer aisément en un paragraphe. Passé l’attrait de la découverte du premier tome, qui procédait à la mise en place de l’univers et des personnages, l’intérêt décline. La mise au second plan de l’action et de la ramification de l’histoire fait la part belle à des épisodes quasi contemplatifs. Ces moments de quiétude sont parfois appréciables notamment lorsque Tengo prépare ses repas. Murakami alterne alors entre une description très précise des préparatifs et des mets et la retranscription des pensées du jeune homme, concret contre abstrait. Pour cela, Murakami peut compter sur sa prose toujours aussi belle : ...

1Q84 T1

Vous l’avez certainement déjà lu quelque part mais je dois bien m’y résoudre, le pitch est un passage obligé – vous excuserez donc ma concision qui aura l’avantage de ne pas trop en révéler sur l’histoire. Ce livre met en scène deux personnages. Un homme, Tengo, qui est un professeur de mathématiques qui écrit des romans. Une femme, Aomamé, qui est un professeur d’arts martiaux qui tue des gens – pas comme Bruce Lee, elle possède une technique bien particulière. Je vous épargne l’histoire de la prononciation du Q remplaçant le 9 dans le titre pour vous dire que le roman se déroule en 1984 et que le livre de Georges Orwel est connu et évoqué par les personnages. Cet homme et cette femme vont, dans des sphères a priori séparées, être confrontés à une mystérieuse organisation. ...

La solitude du docteur March

Geraldine Brooks a décidé de réutiliser l’univers du roman de Louisa May Alcott, Les Quatre Filles du docteur March. Pour cela, elle a choisi de centrer son histoire, non pas sur les filles, qui vivent seules avec leur mère, mais sur le père de famille le fameux docteur March. Elle souhaite nous raconter ce qui se passe de l’autre côté du roman originel, ce que vit ce père absent. Le roman est construit sur plusieurs plans temporels. Le plan principal raconte la participation de March à la guerre de sécession en tant qu’aumônier militaire. Les évènements qu’il vit sont l’occasion pour lui de revenir sur son passé. ...