Haruki Murakami n’écrit pas que de la fiction, en voici un des plus beaux exemples avec ce livre consacré aux attentats de 1995 perpétrés dans le métro de Tokyo par la secte Aum à l’aide de gaz sarin. Murakami revient dans la partie médiane du livre sur ses motivations. Après une longue période passée à l’étranger (aux États-Unis), il a souhaité tenter de mieux comprendre son pays (le Japon) et ses habitants au travers de ce drame. Pour ce faire, il a récolté et retranscrit des témoignages. Il consacre la première partie du livre aux victimes avant de donner la parole, dans une seconde partie, aux membres de la secte. Ces deux parties étant séparées par un intermède dans lequel l’auteur fait part de ses motivations et expose sa méthodologie.

Je ne suis pas une victime, je suis un survivant.

Je dois dire que j’étais sceptique à l’idée de lire une succession de témoignages portant tous sur le même évènement, puis j’ai été rapidement pris par cette litanie, par ce récit du quotidien de l’un des pays les plus sûrs au monde soudain attaqué de l’intérieur de façon aveugle et pour des motivations obscures. Puis dans un second temps, j’ai été curieux de connaître les motivations – ou au moins le point de vue – des personnes ayant été membres de cette secte. Qu’est-ce qui les a poussé dans cette direction ? Comment la société les a exclu ou comment se sont-ils exclus eux-mêmes ? C’est aussi l’occasion d’en apprendre un peu plus sur l’idéologie de cette secte, son organisation, sa structure et ses règles. Le principe du témoignage colle finalement au plus près de la réalité, sans le filtre ou la distorsion de l’auteur. Au fil de la lecture, une image se forme, comme une mosaïque composée des récits de chaque personne. C’est un peu comme ce procédé parfois employé au cinéma qui consiste à filmer la même scène vécue par plusieurs personnages. J’ai été tellement emballé par le procédé que j’irai voir du côté de Svetlana Alexievitch qui est une spécialiste du genre.


Murakami, Haruki. Underground. Traduit par Dominique Letellier, Belfond, 2013.