La sortie d’un nouveau Murakami est devenue au fil du temps un événement mondial. L’auteur japonais a acquis une notoriété qui lui aurait certainement valu une reconnaissance par le comité Nobel littérature si celui-ci n’était pas tombé en disgrâce. A une bien moindre échelle, j’ai moi même été victime de cet engouement qui m’a conduit à me procurer à prix d’or (près de 50 €) les deux tomes, dès leur sortie en librairie – alors que je préfère habituellement attendre l’arrivée des livres sur le marché de l’occasion. Alors que faut-il en penser ? Est-ce le chef-d’oeuvre qui couronne son oeuvre ?

Eh bien je n’irais pas jusque là au moins après la lecture du premier tome – je vais faire une pause d’un livre avant d’attaquer le second. Il s’agit d’un Murakami équilibré, mêlant habilement les ingrédients qui font son succès: poésie, récit du quotidien, originalité, fantastique le tout orchestré par une bande son aux tonalités classiques et jazz. Cette fois l’art, et vraisemblablement l’Histoire, s’invitent au programme puisque le personnage principal est un peintre qui emménage dans le logement qu’occupait l’un de ses ainés spécialiste de renom d’une technique de peinture japonaise appelée Nihonga.

Une pâle lumière qui s’infiltrait par les bouches d’aération, un hibou gris perché sur une poutre, une peinture enveloppée de papier posée contre un mur. Cette combinaison avait un je-ne-sais-quoi de fantastique qui captivait l’esprit.

Sur le plan formel, c’est très réussi, l’écriture est impeccable, lire les quelques 450 pages de ce premier tome est un régal – vraiment. Par contre, j’ai trouvé que la mise en place de l’intrigue était très lente. Tout est très délayé. Attention ce n’est pas désagréable du tout, mais simplement un peu long et pas toujours palpitant. L’avantage de cette écriture qui prend son temps et qu’elle est très facile à suivre. J’ai d’anciens souvenirs de lecture de La Fin des temps ou de Chroniques de l’oiseau à ressort qui m’avaient semblé plus complexes, mais aussi plus rythmés. On voit bien tout se mettre en place, de nombreux éléments émergent et vont irrémédiablement se percuter, mais il est clair que ce premier tome n’est pas autosuffisant, l’intrigue s’y noue plus qu’elle ne s’y dénoue. Les second tome n’est pas une suite, ils forment à eux deux une seule oeuvre.

On sent de la maturité chez Haruki Murakami qui rassemble ici tout ce qui a fait son succès. Il faut se réjouir, dans cette société qui nous pousse à aller de plus en plus vite, de prendre le temps de lire ces pages, des les savourer, de les apprécier à leur juste valeur comme l’on peut apprécier une longue journée oisive, l’observation attentive d’un tableau ou l’écoute d’une grande symphonie.


Haruki Murakami, Le Meurtre du Commandeur #1: Une idée apparaît, traduit par Hélène Morita, Belfond, 2018, 456 p, Amazon.