Il est avantageux d’avoir où aller

Ce livre est un recueil d’articles très variés qui pourraient former un tout comme le souligne la quatrième de couverture. Le tout peut se lire aussi comme une sorte d’autobiographie. C’est très vrai, cette mosaïque brosse un portrait représentatif d’Emmanuel Carrère. On y retrouve ses sujets de prédilection, la littérature, la Russie, ses livres sur Philip K. Dick, Limonov ou encore Jean-Claude Romand, l’affirmation du “Je” dans ses écrits de non-fiction qui sont devenus au fil du temps sa signature – et je vous laisse découvrir la suite. Voici par exemple ce qu’il dit au sujet de l’écriture de De sang froid dans son texte Capote, Romand et moi. ...

V13

Emmanuel Carrère a suivi, pendant un an, le procès des attentats du 13 novembre 2015 afin de rédiger une chronique hebdomadaire pour Le Nouvel Obs. Un job de journaliste juridique en somme, mais pas pour suivre n’importe quel procès. Dans cet exercice l’auteur n’est pas un débutant, comme le souligne son directeur de la rédaction dans la postface, puisqu’il a déjà écrit de nombreux articles dont ceux qui ont été à l’origine de son livre L’Adversaire et ceux qui sont regroupés dans le recueil Il est avantageux d’avoir où aller. ...

Yoga

Emmanuel Carrère serait-il en train de concurrencer Christophe André sur son terrain ? J’ai beaucoup d’admiration pour lui – je parle d’Emmanuel Carrère sans dénigrer Christophe André – et je considère qu’il est, avec Michel Houellebecq, l’un des plus grands auteurs français de sa génération, j’ai aussi beaucoup de goût pour son travail et notamment pour ses derniers livres qui ne sont pas des romans – j’ai terminé mon disclaimer. Mais avec Yoga, j’ai eu la désagréable impression que ce livre n’avait pas de sujet, qu’il était un conglomérat, plus proche d’un journal – d’ailleurs les courts chapitres dont les titres s’enchaînent sans saut de page rappellent le format du journal –, fait d’un livre sur le yoga avorté, d’une expérience de la dépression vécue à un moment de la vie et de la confrontation avec le malheur à l’état brut, celui des réfugiés que l’on nomme aussi les migrants. ...

La moustache

Je crois n’avoir jamais lu de romans d’Emmanuel Carrère et je crois me souvenir qu’il disait dans Le Royaume ne plus en écrire depuis longtemps – à la place il écrit de la non-fiction. Lorsque mes yeux se sont posés sur le mince volume de La moustache à la bibliothèque, je me suis dit que c’était l’occasion. A vrai dire, je l’aurais lu depuis longtemps, si le fait d’avoir vu l’adaptation au cinéma interprétée, en autre, par le magistral Vincent Lindon ne me faisait craindre de lire une histoire complètement déflorée. Mais le temps a passé et je ne me souviens à présent que de cet évènement qui est au coeur de l’histoire et qui concerne un des attributs les plus masculins qui soit: la moustache. Même si cette scène est très connue, je regrette de rater le plaisir de la découvrir en lisant le livre. Sachant cela, je me concentre sur l’écriture, sur l’ambiance et je me dis que c’est dommage qu’Emmanuel Carrère n’écrive pas plus de romans – il trouve certainement que la réalité est bien plus romanesque. Il a le ton juste, des phrases courtes, une belle écriture qui n’en fait pas trop tout en étant élégante. Pour tout dire, ce roman m’a fait penser à ceux de Jean-Philippe Toussaint pour le style avec une forte inspiration des romans de Philip K. Dick pour la manipulation de la réalité – ou des réalités – et le le côté paranoïaque du personnage. Ce n’est pas pour rien qu’il a écrit Je suis vivant et vous êtes morts. ...

Je suis vivant et vous êtes morts

Je suis vivant et vous êtes morts est une phrase tirée d’Ubik1, l’une des oeuvres les plus célèbres de Philip K. Dick. Dick étant lui-même l’un des auteurs de SF les plus connus et le premier auteur de ce genre a être publié dans la prestigieuse collection Library of America (un peu l’équivalent de notre pléiade aux Etats-Unis) – dans les deux cas y entrer est une consécration pour un auteur. ...

Le Détroit de Behring

Avant toute chose, il convient de s’arrêter sur le titre de ce livre. Si le sous-titre, Introduction à l’uchronie, ne souffre aucune ambiguïté, ce n’est pas le cas du titre. Il est bien plus original et, nous allons le voir, particulièrement bien trouvé. La première réaction est de se dire, quel est le rapport ? Emmanuel Carrère n’est pas homme à négliger son lecteur et lui fournit une explication à la fin de son ouvrage. ...

Le Royaume

J’écoutais Florent Georgesco parler de ce livre à la radio. Il a dit une chose très vraie sur Emmanuel Carrère. Il sait trouver le ton juste pour écrire. Tout s’enchaîne, ce n’est ni trop ni pas assez, on dirait qu’il nous parle. Le journaliste du Monde disait qu’il avait l’impression d’être assis en face de lui dans sa cuisine et de simplement l’écouter parler – il a reçu le prix littéraire du Monde, ce n’est certainement pas un hasard. Et il a raison, on pourrait l’écouter pendant des heures. Ce type a un tel talent qu’il rendrait l’histoire du chemin de fer en France intéressante – que les fans me pardonnent. Imaginez alors un instant ce qu’il peut faire avec un sujet comme le Christianisme. ...

L'Adversaire

Le matin du samedi 9 janvier 1993, pendant que Jean-Claude Romand tuait sa femme et ses enfants, j’assistais avec les miens à une réunion pédagogique à l’école de Gabriel, notre fils aîné. Il avait cinq ans, l’âge d’Antoine Romand. Nous sommes allés ensuite déjeuner chez mes parents et Romand chez les siens, qu’il a tués après le repas. Ce livre est le récit non romancé de cette tragédie. Le point de vue adopté est celui de l’auteur, Emmanuel Carrère. Qu’est-ce qui l’a poussé à entreprendre la retranscription de cette histoire sordide. Certainement pas le sensationnel, mais plutôt la volonté de tenter de comprendre l’incompréhensible. Le cheminement suivi par l’auteur a été long et le livre a bien failli ne pas voir le jour. Sa genèse et sa conception se retrouvent en filigrane dans le récit. La construction est basée sur la chronologie; pas celle des évènements mais celle du travail de l’auteur. ...

Un roman russe

Dans ce livre qui n’est pas, contrairement à ce que le titre pourrait le laisser croire, un roman, l’auteur de D’autres vies que la mienne1 cette fois raconte sa propre vie. Enfin, une partie marquée par trois grandes préoccupations ou trois grands thèmes. Le premier est un reportage à Kotelnitch réalisé pour l’émission Envoyé Spécial afin de raconter l’histoire du dernier prisonnier hongrois retenu en Russie. La découverte de cette ville et de ses habitants va le pousser à modifier son projet initial. Le second est une histoire d’amour avec la belle Sophie qui se noue au début du reportage. C’est un amour passionnel, une histoire chaotique et tourmentée que s’apprête à vivre Emmanuel Carrère. Le troisième est une enquête sur ses origines et plus précisément sur son grand-père. Cet intellectuel géorgien issue d’une famille de notables (la famille Zourabichvili) a connu un destin tragique. Son caractère ombrageux s’est noirci au fil du temps pour s’approcher lentement de la folie. Sa disparition sur fond de fin de guerre et de collaboration reste aujourd’hui encore un mystère. ...