Après avoir lu Karoo et Le dernier stade de la soif, je suis tombé par hasard sur Tous les hommes du roi, un autre des grands animaux de la très belle maison d’édition, Monsieur Toussaint Louverture qui remet à l’honneur de grands livres étrangers oubliés en les présentants dans de nouvelles traductions et des écrins à leur mesure. C’est le cas pour Robert Penn Warren que je ne connaissais pas alors qu’il a reçu deux prix Pulitzer dont un pour ce livre.

Mais là, tandis que je fonçais vers l’Est, dans l’ombre des montagnes, à travers désert, plaines et plateaux, et observais les habitants de cette magnifique contrée dénudée, je pensais être débarrassé à jamais de cette jalousie, persuadé que j’étais d’avoir acquis la connaissance qui te permet de tout affronter. Car la connaissance, c’est le pouvoir.

Dès le début on comprend que l’on a à faire à un très grand auteur. La fluidité de la narration – les allers et retours – et la sophistication de l’écriture sautent aux yeux. C’est du très haut niveau – j’ai rarement lu ça. L’histoire se déploie avec un naturel déconcertant, on ne voit aucune des ficelles de l’auteur, c’est du grand art. Les évènements relatés se déroulent dans les années 30 dans le sud des États-Unis et concernent l’ascension d’un politicien populiste surnommé le Boss. Le narrateur, Jack, est un journaliste qui travaille en freelance. La relation entre les deux est subtile, ils sont issus d’un milieu différent, sont eux-mêmes très différents, mais se vouent une admiration réciproque.

La loi, c’est une couverture pour une personne dans un lit deux places où sont couchés trois types par une nuit glaciale. On aura beau tirer dans tous les sens, y aura jamais assez pour couvrir tout le monde et quelqu’un finira forcément par choper une pneumonie.

Même si la politique reste le fil conducteur du livre, la vie privée des personnages en est le coeur. L’un des thèmes du livre et l’anti manichéisme, il n’y a pas de bien sans mal, il s’applique autant dans la politique que dans les rapports humains.

Si, comme vous le prétendez, il n’y a que le mal au commencement et qu’il faut construire le bien à partir du mal, comme peut-on jamais savoir ce qu’est le bien ? Comment peut-on même le reconnaître, en admettant qu’on l’ait fait émerger du mal ?

Il s’agit de l’un des mes livre préférés. Je pense que je vais m’attaquer à d’autres grands animaux.


Robert Penn Warren. Tous les hommes du roi. Traduit par Pierre Singer. Monsieur Toussaint L’ouverture, 2017.