La couleur des choses

Je suis un grand fan de minimalisme, d’épure et de simplicité. Avec La couleur des choses je suis servi, les personnages sont représentés par de simples disques de couleur, une légende indiquant simplement leur nom lors de leur première apparition. La narration par contre est sophistiquée, si la majorité des planches sont des vues de dessus, on trouve aussi de nombreuses infographies – je n’ai pas trouvé de meilleure appellation – et Martin Panchaud se sert de ce qu’il convient d’appeler des schémas pour matérialiser, par exemple, la différence entre le fil narratif principal et une alternative possible naissant dans l’esprit de l’un des protagonistes. Tout ceci pourrait paraître bien compliqué, mais il n’en est rien. La narration est étonnamment facile à suivre – comme si c’était quelque chose d’habituel – et chaque planche est un régal pour les yeux et pour le cerveau. Le souci du détail est constant, tout est équilibré, calculé, léché, un côté perfectionniste qui fait penser à Chris Ware. ...

3 janv. 2025 ·  BD

Écoute, jolie Márcia

Soyons franc, je n’aurais jamais lu cette BD si elle n’avait pas reçu le fauve d’or lors du dernier festival d’Angoulême. L’histoire d’une infirmière brésilienne et de sa fille qui pourrait recevoir le prix de la pire ado, ce n’est pas trop ma tasse de thé. Et pourtant, l’histoire est très prenante. Il y a du rythme, c’est dynamique et surtout ça sonne vrai. C’est même émouvant par moment – énervant aussi – et les personnages sont touchants. Est-ce lié au contraste entre le dévouement de Marcia dans le cadre de son travail – au passage un bel hommage aux soignants – et la férocité de l’environnement dans lequel elle vit ? Il y a aussi la gentillesse du beau-père Aluisio qui, même s’il semble démuni, tente de faire ce qu’il peut depuis sa position délicate. ...

17 mai 2022 ·  BD  ♥

Le grand vide

Le fait de poser les yeux sur cette BD ne laisse pas indifférent. La couverture interpelle, le livre est grand et épais et l’édition signée 2024 de très grande qualité (beau papier, reliure, etc.). Ensuite, en l’ouvrant on est happé par les dessins. De la couleur directe avec une palette de couleur restreinte (du bleu et du rouge), un style inimitable avec des perspectives à tomber, des pleines pages à couper le souffle – je mettrais bien une reproduction de l’immeuble de Mahel dans mon salon –, des effets inédits, tout en conservant un certain minimalisme – le grand écart réussi. La seule comparaison sur ce plan qui me vient à l’esprit est l’immense Asterios Polyp, même si ce n’est pas la même chose, j’avais ressenti un peu la même impression. ...

20 mars 2022 ·  BD  ♥

L'Entaille

J’ai vraiment dû rater quelque chose. Il y a bien une esthétique dans cette BD, un hommage au cinéma de genre, au slasher1. Les plans sont très travaillés, très cinématographiques. Un côté un peu contemplatif, très peu de dialogues. Beaucoup de choses sont suggérées – c’est là que j’ai vraiment dû passer à côté. Le scénario est à la frontière entre la réalité et l’onirisme, la frontière est assez floue et le résultat est étrange. J’ai eu l’impression d’avoir vu un film que je ne regardais pas vraiment, comme s’il passait en fond me laissant juste des images et des impressions. ...

6 févr. 2022 ·  BD

La Saga de Grimr

Une saga (mot islandais, pluriel sögur) est un genre littéraire développé dans l’Islande médiévale, aux xiie et xiiie siècles, consistant en un récit historique en prose, ou bien une fiction ou légende. – Wikipedia C’est par un retour aux sources sur le sol de feu de glace islandais au Moyen Âge que Jérémie Moreau a souhaité livrer sa saga. Ce qui est intéressant dans son approche c’est qu’il n’utilise pas un personnage existant, mais en crée un de toute pièce. Son destin est intimement lié à celui de sa terre natale et à ce qui en est l’une des particularités les plus notables, ses volcans. Comme eux, il est doté d’un tempérament bouillonnant et imprévisible. Il personnifie l’Islande, sa chevelure rousse flamboyante et sa force hors du commun en sont la parfaite illustration – il est comparé à la créature des légendes scandinaves le troll. ...

20 mai 2020 ·  BD

Moi ce que j'aime, c'est les monstres

Celui qui s’intéresse un tant soit peu à la BD – je parle de moi avec cette formule toute faite – ne peut rater la sortie d’un tel OLNI. Et pourtant malgré le tombereau d’éloges je n’avais pas sauté le pas. Je pense que j’étais trop impressionné par l’objet, par les dessins, je n’étais pas sûr d’accrocher – l’horreur c’est pas trop mon truc. Je l’ai même eu a porté de main à plusieurs reprises à la bibliothèque sans oser l’emprunter. Et c’est un soir – tard, je n’en dirai pas plus sur les circonstances – qu’une amie très proche m’a sortie cette BD en me disant “Tu devrais la lire et me dire ce que tu en penses” – ou quelque chose du genre, mon souvenir est un peu vague. Dès le lendemain, n’écoutant que mon courage je me suis attelé à la tâche, mais j’ai mis du temps, beaucoup de temps. Chère Hélène, voici donc après plusieurs semaines – ou mois – ce que je peux en dire. ...

28 sept. 2019 ·  BD

Le combat ordinaire

Le titre est un oxymore. Un combat n’est jamais ordinaire même si c’est celui de la vie. Le fond et la forme jouent également sur le contraste. Un dessin gai et des couleurs chatoyantes qui pourraient convenir à un récit humoristique alors qu’ils servent un propos globalement très sérieux – voire parfois un peu triste. Soyons clairs, nous sommes en présence d’un oeuvre de très grande qualité. Ce que j’ai dit concernant les dessins n’est d’ailleurs pas péjoratif, ils procurent un grand plaisir de lecture et mettent en scène des personnages attachants et expressifs. Le récit est ponctué de planches représentant des photos – le protagoniste principal est photographe – dans un style sobre et réaliste. Ces planches monochromes sont accompagnées de textes magnifiques et soulignent la profondeur du propos et les multiples talents de l’auteur. ...

4 janv. 2019 ·  BD  ♥

L’arabe du futur T1

Il y a quelque chose de très troublant dans ce premier tome du récit de jeunesse de Riad Sattouf (il est sous-titré Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984)). Puisqu’il est né en 1978 – comme moi – il avait donc entre 0 et 6 ans à cette période. Il n’y a toujours rien qui vous choque ? Un peu quand même, difficile d’établir un récit de près de 160 pages entièrement basé sur des souvenirs authentiques qui datent d’avant le CP. Il repose donc forcément sur des souvenirs reconstitués à partir de ceux des adultes (de ses parents principalement) et du récit qu’ils en font – dans toutes les familles il y a des histoires légendaires qui se racontent lors des repas de famille. Ce procédé apocryphe parfaitement assumé – il me semble – est intéressant car il permet de raconter une autre réalité qui n’est finalement pas moins vraie. ...

22 mars 2015 ·  BD

Chroniques de Jérusalem

J’ai terminé la lecture des Chroniques de Jérusalem et je suis très agréablement surpris. L’histoire est celle de Guy Delisle dont la profession est – vous l’aurez deviné – auteur de BD. Il suit sa femme qui est médecin pour une ONG. Cette famille de québécois a donc l’habitude de séjourner à l’étranger, mais cette fois ils se retrouvent à Jérusalem. Malgré la couverture médiatique importante, personne n’est préparé au choc que représente la découverte d’une telle ville et d’un tel pays marqué par l’histoire, la guerre, le choc des cultures, des religions, des traditions. Cette découverte est très bien rendue dans le premier chapitre. L’auteur y retranscrit avec humour la naïveté de l’occidental découvrant ce pays déchiré. Puis, tout au long de ses chroniques, ou de ce qui pourrait être qualifié de journal ou de carnet de voyage, il décrit ses expériences sous forme d’anecdotes dans cet endroit où rien n’est “normal”. Il ne doit pas y avoir d’équivalent au monde et quasiment tout est source d’étonnement pour un occidental vivant en paix dans son pays. ...

23 nov. 2013 ·  BD

Quai d'Orsay T2

Après un premier tome très réussi que vaut ce deuxième opus ? N’y allons pas par quatre chemins, il s’inscrit dans la continuité et est tout aussi excellent que le précédent. Quel plaisir de se retrouver plongé dans l’intimité d’un cabinet ministériel, d’observer l’art subtil de la diplomatie et de voir se nouer les luttes intestines. Avec à sa tête un ministre d’une telle carrure – au propre comme au figuré – et possédant un tel phrasé, c’est un réel plaisir et une bonne partie de rigolade. Nous retrouvons un Dominique de Villepin – pardon un Alexandre Taillard de Worms – encore plus flamboyant, charismatique, imprévisible et énergique que jamais. On ne peut s’empêcher d’avoir de l’empathie pour le personnage principal, conseiller en charge des “langages” auprès du ministre – comprenez en charge de rédiger les discours. On partage son incrédulité devant la fulgurance de son chef, ses sauts contextuels, ses idées hors du commun et sa propension à élever le débat pour affronter ses adversaires très haut dans un monde parallèle. ...

1 févr. 2012 ·  BD  ♥