La Chute du British Museum

Adam Appleby est un jeune chercheur en littérature de 25 ans. Plus exactement, ça fait déjà quelques années qu’il tente de boucler sa thèse dont le sujet est “La structure des phrases longues dans trois romans anglais modernes”. A ce jour, il n’a pas choisi les trois romans en question et n’est pas encore parvenu à se décider sur la longueur à partir de laquelle une phrase peut prétendre à entrer dans cette catégorie. A côté de ces occupations professionnelles, Adam est un catholique pratiquant. Cette pratique fervente conduit à utiliser la méthode des températures comme seul moyen de contraception. Ce n’est pas chose facile lorsque l’on est un littéraire avec un esprit scientifique peu développé. Dans ces conditions, le succès d’une telle méthode peut comporter quelques aléas qui se sont traduits, dans le cas d’Adam et de sa femme, par la naissance de trois enfants, et peut-être bientôt d’un quatrième. Le problème est qu’il faut pouvoir nourrir une telle famille. Malheureusement, lire des livres toute la journée, confortablement installé dans l’un des rares fauteuils rembourrés de la salle de lecture du British Museum, ne rapporte pas trop d’argent. ...

Swap

Ce livre est celui d’un anti-héros prénommé Harvey. Il est le propriétaire d’un magasin de bande dessinées, aime beaucoup la bière et est donc un peu bedonnant. Il passe le plus clair de son temps à soupirer et à se lamenter – il me fait un peu penser au vendeur de comics avec catogan des Simpson. La principale cause de ses lamentations est un cuisant souvenir d’enfance. N’allez pas croire qu’il était la tête de turc de son école, non, bien au contraire, il faisait partie à l’époque – puisque ce n’est plus trop le cas désormais – du clan des branchés. Sa principale occupation était, comme tout membre de ce club, de tyranniser un élève surnommé “Bleeder”. Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où, comble des idées saugrenues, il a décidé de faire un échange avec ce souffre-douleur – d’où le titre du livre. ...

La Musique du hasard

J’étais de mauvaise humeur et je ne trouvais rien à lire. Après avoir ouvert plusieurs livres, lu les premières pages et aussitôt reposé le livre, j’ai décidé de revenir aux fondamentaux. Direction l’étagère réservée aux romans de Paul Auster et sélection d’un roman au titre évocateur sans être pompeux ni aguicheur – comme l’on en voit malheureusement de plus en plus – La musique du hasard. Comme le laisse supposer le titre, le hasard joue un rôle central dans ce roman. Vous savez, celui qui vous fait prendre une route plutôt qu’une autre, entrer dans un magasin et y croiser, au détour d’un rayonnage, une personne que vous n’aviez pas vu depuis longtemps, enfin celui qui vous pousse à vous arrêter lorsque vous apercevez un inconnu marcher seul au bord de la route… ...

HHhH

Voilà un titre à la fois cryptique et évocateur lorsque l’on a compris le message – HHhH est le sigle de “Himmlers Hirn heiβt Heydrich” ce qui signifie “le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich”. L’histoire est centrée sur Reinhard Heydrich et, à travers lui, sur le IIIe Reich, la Seconde Guerre mondiale et les atrocités commises, lors de cette période, par les nazis. Si Heydrich n’est pas le plus connu des nazis il est certainement l’un des plus dangereux. Les surnoms dont il est affublé sont assez évocateurs et parlent pour lui: le boucher de Prague, le bourreau, la bête blonde, … Son ascension au sein de l’appareil SS est fulgurante. Il deviendra l’un des plus hauts gradés (Obergruppenführer) et l’un des principaux artisans de la solution finale. Le livre raconte ce que vont tenter deux hommes, un tchèque et un slovaque pour mettre fin aux nuisances de cet homme et porter ainsi un sévère coup au IIIe Reich. ...

Plateforme

Avec Plateforme, Michel Houellebecq nous emmène en voyage mais à sa façon. Sa façon n’est pas celle d’un récit de voyage et encore moins celle d’un guide du routard – ceux qui le liront sauront pourquoi. Malgré tout, il est principalement question de tourisme dans ce livre. Michel Houellebecq ausculte ou autopsie, par le prisme des voyages, notre société. Il considère que le tourisme est devenu le dernier eldorado, un exutoire permettant de supporter les contraintes du quotidien. Il capte l’esprit du moment et dépeint le monde qui nous entoure de manière hyper réaliste avec un oeil acerbe et une acuité impressionnante. Contrairement à ce que l’on pourrait croire en commençant ce livre, il est beaucoup moins sombre que ses autres romans, sur ce point, il est aux antipodes de Extension du domaine de la lutte. ...

La reine des lectrices

Suite à une rencontre fortuite avec un bibliobus, la reine d’Angleterre se prend de passion pour la lecture. Ce passe temps qui semble complètement anodin pour le commun des mortels – voire ennuyeux pour certains – aura des conséquences surprenantes sur sa majesté. Elle y consacre de plus en plus de temps jusqu’à négliger ses royales obligations. Ceci à le don d’énerver tout le monde. Jusqu’où cette passion va-t-elle la mener ? ...

La flèche du temps

La flèche du temps est une expression qui a été employée par Eddington pour désigner la perception par l’être humain du sens ou de la direction de l’écoulement du temps. C’est tout le principe de ce livre que d’en inverser le cours. Martin Amis a imaginé raconter la vie d’un homme à l’envers, de son lit de mort à sa naissance. Il ne s’est pas contenté de raconter les évènements dans l’ordre chronologique inverse mais a poussé le concept assez loin en narrant toutes les actions comme on pourrait les voir dans un film projeté à l’envers. On ne paie pas avant de repartir avec ses courses du magasin mais on les apporte au magasin et l’on reçoit de l’argent en échange. Sans déflorer l’histoire, il s’avère que l’homme en question n’a pas un passé ou un futur – selon le point de vue – très glorieux. C’est le moins que l’on puisse dire. ...

La solitude du docteur March

Geraldine Brooks a décidé de réutiliser l’univers du roman de Louisa May Alcott, Les Quatre Filles du docteur March. Pour cela, elle a choisi de centrer son histoire, non pas sur les filles, qui vivent seules avec leur mère, mais sur le père de famille le fameux docteur March. Elle souhaite nous raconter ce qui se passe de l’autre côté du roman originel, ce que vit ce père absent. Le roman est construit sur plusieurs plans temporels. Le plan principal raconte la participation de March à la guerre de sécession en tant qu’aumônier militaire. Les évènements qu’il vit sont l’occasion pour lui de revenir sur son passé. ...

Le Maître de Pétersbourg

Un homme se rend à Saint-Pétersbourg sur les traces de son fils. Qu’est-il arrivé à Pavel, seul dans cette ville de tous les dangers ? Quels ont été ses derniers jours ? Ce pèlerinage ne sera pas de tout repos pour ce père qui sera rattrapé par ses démons, perdu dans ses rêveries jusqu’à la lisière de la folie. Cet homme qui part sur les traces de son fils, au risque de se perdre lui-même, n’est autre que Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski. ...

Le musée du silence

Dans un petit bourg japonais isolé, une très vielle dame conçoit un étrange projet. Elle souhaite dédier un lieu aux habitants de son village. Ce sera un musée, le musée du silence puisque ceux auxquels elle souhaite rendre hommage sont morts. Pour ce faire, elle a une idée originale. Elle souhaite exposer un objet propre à chacun des défunts. Bien sûr ce n’est pas n’importe quel objet mais un objet qui représente le plus fidèlement possible chaque habitant. Ce ne doit donc pas être un objet banal comme une brosse à dent ni un objet d’exception comme peut l’être une montre ou un bijou. Il faut qu’il soit intimement lié à la personne, qu’il contienne un peu de son âme afin qu’elle puisse survivre par-delà la mort. C’est pour rassembler cette collection et devenir le conservateur de ce curieux musée qu’est embauché le jeune homme, protagoniste principal de cette histoire. Surpris dès le début par l’entreprise que souhaite mener cette troublante vielle dame, il va tomber de Charybde en Scylla en découvrant bien des mystères. ...

Une forme de vie

Dans l’armée, le taux d’obésité a doublé depuis 2003, selon des études du Pentagone. – LCI C’est peut-être en tombant stupéfaite devant ce type de phrase que l’idée de son nouveau livre a germé dans l’esprit d’Amélie Nothomb. Cette affirmation est surprenante pour tout un chacun - les militaires véhiculent une image de muscles et de rigidité bien loin de l’obésité - mais elle doit l’être encore plus pour la romancière belge qui a un passé commun avec les problèmes de poids. D’abord l’anorexie dont elle a été victime racontée dans Biographie de la faim puis l’obésité évoquée au travers du personnage de Prétextat Tach dans Hygiène de l’assassin. Pour traiter ce sujet elle a choisi le genre épistolaire. Elle imagine donc un dialogue, par courrier interposé, entre un soldat Américain mobilisé en Irak et elle même. Si les situations et les dialogues sont complètements fictifs, les positions et les réflexions d’Amélie Nothomb, semblent bien réelles. C’est donc d’une autofiction qu’il s’agit. C’est un genre intéressant dans lequel l’auteur peut évaluer ses propres réactions face à un univers et des situations fictives, les exemples récents d’autofiction qui me viennent à l’esprit sont le très bon Trois jours chez ma mère de François Weyergans et le moins bon Lunar Park de Bret Easton Ellis. ...

Dr Fischer de Genève

Comme souvent chez Graham Greene on retrouve dans ce court roman de nombreuses références à la religion. Cette fois, elle sont mises au service de la description d’un homme oscillant entre Dieu et le Diable. Je ne suis pas le Christ et il n’est pas Satan; d’ailleurs, je croyais que nous nous étions mis d’accord pour dire qu’il est Dieu Tout-Puissant - mais j’imagine qu’aux yeux des damnés, Dieu Tout-Puissant ressemble beaucoup à Satan. ...

Le voyage d'hiver

Se délecter de la médiocrité d’autrui reste le comble de la médiocrité. Voici une des phrases tirée du Voyage d’hiver, la cuvée 2009 d’Amélie Nothomb. La romancière belge n’est pas médiocre, loin s’en faut et je ne me réjouis pas non plus que ce livre ne fasse, selon moi, pas partie de ses meilleurs ouvrages. Classé dans la catégorie des romans non autobiographique, je le situerais entre Journal d’Hirondelle et Le fait du prince, bien loin des géniaux Hygiène de l’assassin, Cosmétique de l’ennemi et Mercure. Comme toujours chez elle, il y a des prénoms bizarres, un phrasé parfaitement maîtrisé, de très bonnes idées, une intrigue originale et un tout se déroulant dans un mouchoir de poche. On est loin de la débauche de personnages et de décors que l’on peut trouver chez certains auteurs. ...

Le démon

C’est l’histoire d’Harry White un jeune cadre brillant dans son travail et véritable coureur de jupons à ses heures perdues. Bref, il a tout pour réussir et pourtant … Il lui arrive parfois d’avoir en fin de journée une boule au creux du ventre. Un sentiment en demi-teinte, l’impression de se sentir légèrement cafardeux sans raison apparente. Un peu comme certains dimanches après avoir passé la journée à l’intérieur à ne rien faire. Le soir venu, il peut arriver d’avoir le spleen sans trop savoir pourquoi, le regret de n’avoir rien fait, l’appréhension du lundi matin. Parfois, il lui arrive de s’emporter, de bouillir de rage. Ca lui arrive souvent après un week-end agité en prenant le métro le lundi matin, difficile de supporter ce qu’il nomme la populace qu’il trouve grouillante et puante, de se mêler à elle, d’en faire partie. Difficile aussi pour lui de supporter les petits échecs qui sont le lot quotidien d’un jeune cadre au travail: les remontrances du chef, les commérages des collègues, les rivalités, la réussite des autres. Harry sent bien que quelque chose couve et pousse au fond de lui et se sent à l’étroit mais pour l’instant il arrive à le contenir. ...

Docteur Nikola

Docteur Nikola est un roman datant de la fin du 19ème siècle aujourd’hui réédité chez Phébus dans la collection “Libretto”. C’est un roman d’aventure mettant en scène – comme son titre l’indique – l’intriguant docteur Nikola. L’originalité de ce récit tient au fait que les intentions de cet occultiste ne sont, a priori, pas de sauver le monde … L’intrigue se déroule dans la Chine coloniale où le docteur se met en quête de pouvoirs spéciaux détenus par des moines. Pour y parvenir, il va user de toute son intelligence, de sa ruse ainsi que de sa science de l’hypnose. Un peu à la manière des aventures de Sherlock Holmes, les événements sont racontés par Wilfred Bruce, le Watson du docteur Nikola. ...

L'élégance du hérisson

Bien sûr de l’élégance dans ce roman dont on a déjà beaucoup parlé. C’est pour cette raison que je vais m’efforcer d’être concis. Belle écriture et belle histoire qui ne tombe pas dans les écueils du genre en n’hésitant pas à être grinçante et acerbe quand il le faut (Paloma notamment). Cette phrase, tirée du livre, résume à elle seule le style et la morale de cette histoire: Comme nous concluons vite, de l’apparence et de la position, à l’intelligence des êtres … ...

Extension du domaine de la lutte

Il y a quelques temps, chez mon ami bouquiniste, je tombe sur un livre grand format, assez fin, à la couverture grise. Là, en lettre rouge, un titre que je connais bien Extension du domaine de la lutte. Bizarre, je ne savais pas que Houellebecq était chez Maurice Nadeau avant de claquer la porte au nez de son éditeur de l’époque, le trublion des milieux littéraires, Frédéric Beigbeder – alors directeur éditorial de Flammarion – pour partir chez Fayard. Bref tout ça pour dire que j’avais très envie de relire ce roman découvert lorsque j’étais étudiant. Je me souviens très bien avoir été bluffé par cette écriture, c’était quelque chose de complètement nouveau pour moi bouleversant les codes de la littérature que je connaissais. J’ai donc décidé de le relire. ...

Invisible

“Si comme moi vous lisez pour éprouver le plaisir de tomber amoureux d’un roman, alors lisez Invisible. C’est le meilleur roman que Paul Auster ait jamais écrit.” Ces propos ne sont pas de moi mais de Clancy Martin un journaliste du New York Times. C’est après les avoir lu, au dos du numéro du magasine Lire du mois d’avril, que j’ai décidé de courir acheter ce nouvel opus de Paul Auster. Même si ça me gène profondément d’être à ce point manipulable par la publicité, je ne vais pas m’en plaindre pour cette fois car je partage largement l’avis de ce journaliste américain. Je n’ai pas lu tout Paul Auster et loin s’en faut mais parmi mes lectures, dont Léviathan, il se hisse aisément sur le podium. L’alternance entre les types de narration, les époques, les personnages est un modèle du genre. Cette maîtrise dans la narration transforme ce qui, vis à vis de l’histoire, était déjà un très bon livre en un très grand. ...

Le Cercle Litteraire des Amateurs d'Epluchures de Patates

Voici un roman au titre très curieux. C’est vrai que c’est désormais un objectif marketing de donner un titre le plus intriguant possible afin de susciter l’envie au lecteur d’acheter le livre. Dans ce domaine, le pari est réussi et c’est bien à cause de (et non grâce à) ce titre évocateur que j’ai réalisé l’acquisition de ce roman. La deuxième des curiosités concerne le genre du roman. C’est un roman épistolaire qui est donc composé uniquement de correspondances. C’est un genre qui a été rendu célèbre par Les Liaisons dangereuses mais que l’on rencontre assez rarement. ...

La mort du roi Tsongor

La mort du roi Tsongor est d’abord une tragédie grecque ou un drame shakespearien transposé en Afrique. Il y est question d’un roi bien sûr, d’amour, de liens fraternels, de trahison, de mort et de guerre – c’est deux derniers allant malheureusement toujours ensemble. Tous les ingrédients qui ont été utilisés, depuis l’Iliade et l’Odyssée, pour raconter les plus belles histoires, les grands mythes fondateurs, sont à nouveau réunis et agrémentés d’épices africaines. En faisant le voyage sur ce continent, ce mythe s’est nourri des contes et des légendes locales. Il y a croisé la magie et a fait sienne l’imaginaire de tout un peuple. Ce changement de décor lui confère une esthétique originale et nous prouve que quelque soit le lieu et l’époque, seule la folie des hommes est invariante. ...