Chansons populaires de l'ère Showa

D’habitude je suis client des romans de Ryû Murakami. Ils se déroulent souvent dans un japon désenchanté en proie à la violence gratuite. Il ose choquer et raconter des histoires sordides qui font réagir. Ce roman n’échappe pas à la règle puisque la violence est à peu près le seul thème du livre. Le vide laissé volontairement à côté de celle-ci met en exergue le non sens de l’existence, du nihilisme pur. Pour en revenir à l’histoire, il s’agit pour schématiser d’un gros règlement de compte entre deux bandes. Ceux qui se livrent une lutte sans merci ne font pas partie d’un gang comme les Yakuzas mais sont une bande de jeunes en pleine régression et un groupe de femmes ayant comme point commun d’avoir raté leur vie et de se prénommer Midori. ...

Nagasaki

Nagasaki, la tristement célèbre, est le lieu où se déroule cette histoire. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle n’est pas liée au destin tragique de la ville. A une tout autre échelle, elle a été le théâtre d’un fait divers d’une importance bien moindre qui, sans son originalité, n’aurait pas occupé plus d’un entrefilet dans le journal local. La victime est un météorologue qui vit seul et mène une vie quasi monacale et très ordonnée – limite maniaque. Or, depuis quelques jours un grain de sable s’est glissé dans cet engrenage bien huilé. Il a remarqué quelque chose d’étrange qui se produit chez lui, dans sa maison, probablement en son absence. Huit centimètres, ai-je lu. Il ne restait que huit centimètres de boisson, contre quinze à mon départ … Quelqu’un s’était servi. Or je vis seul. ...

Tous les matins du monde

J’appréhendais de lire mon premier livre de Pascal Quignard. J’avais une image d’un auteur exigeant envers ses lecteurs voire austère – ce n’est pas vraiment la même chose mais c’est ce que son nom m’évoquait. J’ai choisi Tous les matins du monde un peu par hasard ou plus certainement parce que ce titre m’a séduit ou, plus certainement encore, parce qu’il sonnait bien à mon oreille. J’ai appris, en rédigeant ce billet – un peu tard donc – que ce livre est fortement lié à un précédent roman La Leçon de musique1. Ce roman est également qualifié de roman-scénario car il a été porté à l’écran la même année sous le même titre par Alain Corneau. ...

Stoner

C’est un roman passif qui évoque toute une vie – ce n’est pas péjoratif, on emploie parfois ce terme par opposition au roman actif qui isole une crise. Cette vie, c’est celle de William Stoner. Ce n’est pas quelqu’un d’exceptionnel et c’est déjà l’une des forces de cette histoire. D’origine modeste, ce sont les études qui ont changé sa vie. Une matière a tout de suite retenu son intérêt: la littérature. Ce sera le fil rouge de sa vie. La seule chose que personne ne pourra lui enlever malgré les difficultés et les désillusions, elle restera toujours comme un refuge, une béquille de l’âme. ...

Je m'en vais

“Je m’en vais”, c’est par ces mots que commence et se termine le livre de Jean Echenoz. Ferrer, le personnage principal, travaille dans le domaine de l’art – il se prénomme Félix mais le narrateur utilise le plus souvent son nom de famille seul. Ancien artiste lui-même il s’est petit à petit transformé en marchant d’art exerçant dans sa propre galerie parisienne. Cette galerie, il s’en sert également de dortoir lorsque les affres de la vie sentimentale le poussent à trouver un refuge. Cette vie et ses calcifications que deviennent avec le temps les habitudes le lassent. C’est pour cette raison, mais aussi pour l’appât du gain, qu’il ne va pas hésiter à embarquer direction le grand nord sur les traces d’un trésor d’art inuit (paléobaleinier plus précisément). ...

Le Maître ou le tournoi de Go

Ce livre relate le dernier tournoi d’un grand maître du jeu de Go. Le jeu de Go est un jeu peu connu en Occident mais très populaire dans les pays asiatiques, principalement au Japon en Chine et en Corée. Il est articulé autour de règles très simples mais paradoxalement extrêmement complexes à maîtriser. Pour illustrer cela, on peut évoquer les programmes informatiques joueurs. S’ils sont capables de surpasser aux échecs les plus grands maîtres – on se rappelle de Deep Blue –, ils ne parviennent, au jeu de Go, qu’à donner la réplique aux meilleurs amateurs, les professionnels ne font qu’une bouchée de leurs rivaux numériques – ils sont capables de rivaliser en bénéficiant de handicap et en utilisant plus de temps. Ce phénomène s’explique notamment par la très grande combinatoire de coups possibles. Même un ordinateur, dont la qualité première est d’être capable de réaliser de nombreux calculs, est dépassé. Au Go, il faut jouer à l’instinct, avoir une vision et, dans ce domaine, les programmes informatiques sont encore bien loin des humains. ...

La faim de Hoffman

Hoffman est un diplomate néerlandais qui occupe depuis peu le poste d’ambassadeur à Prague. Cet homme se suicide à petit feu en ingérant de la nourriture et de l’alcool. Il s’adonne à ce rituel destructeur la nuit, durant ses longues insomnies. Il ne dort quasiment plus depuis bien longtemps. En fait, depuis que la vie, après une enfance difficile décapitée par la guerre, lui a joué des tours encore plus cruels. Depuis peu, ses nuits sont devenues plus supportables, depuis la découverte dans le grenier de son logement de fonction, d’un volume de Spinoza. Mais, ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il risque bien d’être impliqué dans une affaire d’espionnage. ...

Miso soup

C’est l’histoire d’un guide non officiel du Japon underground, un jeune homme. Son rôle est de guider les touristes au travers des méandres du Japon du sexe. En cette fin d’année, à l’approche des fêtes de Noël, il doit accompagner un client américain qui va, dès les premiers contacts, lui laisser une impression bizarre, froid dans le dos. La raison n’est pas rationnellement explicable, est-ce lié à son attitude, à son visage ou à son discours ? ...

L'attrape-coeurs

C’est l’histoire d’un adolescent paumé raconté à la première personne. Cet ado est Holden Caufield, il a 16 ans et vit aux Etats-Unis. L’histoire se déroule à New York sur deux ou trois jours pendant la période de Noël. Les faits sont décrits comme si le jeune homme nous les racontait à l’oral, nous faisant en même temps part de ses sentiments de ses interrogations et de ses doutes; c’est la technique du courant de conscience. Tout ceci semble très simpliste voire complètement décousu pourtant tout est extrêmement bien calculé. Au travers de ce qui semble être des bavardages et des inepties d’adolescents, on découvre la personnalité originale et complexe du jeune homme. Salinger utilise uniquement la voix de son personnage pour le décrire, il ne se met volontairement pas entre sa création et le lecteur ne commente pas, ne souligne rien. Il laisse le lecteur seul face au récit d’un Holden à la sensibilité à fleur de peau. On l’écoute d’abord avec un peu d’agacement, d’impatience et d’incrédulité qui peut même friser la lassitude. Puis, au détour d’une phrase, d’une anecdote on va être immanquablement touché par cette fragilité, par ce gentil garçon qui perd les pédales. ...

Juliet, Naked

Connaissez-vous Tucker Crowe ? Non ? Pourtant, une page de l’encyclopédie Wikipédia reproduite dans le livre lui est consacrée. Je vais essayer d’en résumer les principaux éléments. Tucker Crowe est un chanteur, compositeur et guitariste américain. Sa musique rock l’a rendu célèbre dans les années 80. L’album considéré comme son chef-d’oeuvre est Juliet dont les chansons sont inspirées de sa rupture avec Julie Beatty. Durant la tournée de promotion de l’album, il a subitement disparu de la scène médiatique après un prétendu accident survenu dans les toilettes d’un club de rock de Minneapolis. ...

La Course au mouton sauvage

Haruki Murakami est un grand auteur japonais. Ses romans se caractérisent pas l’insinuation du fantastique, bien souvent poétique, dans le quotidien des personnages. Il surgit incidemment, sans que l’on sans rende vraiment compte, un peu comme quelque chose qui nous paraît bizarre mais que l’on ne remarque pas tout de suite. Puis, petit à petit, il prend de l’importance et devient prépondérant dans l’histoire. N’allez pas croire pour autant que c’est là, et uniquement là, que réside l’intérêt de ses romans. Le quotidien, qui chez d’autres peut être insignifiant et ennuyeux, est souvent particulièrement intéressant et agréable à lire – je suis convaincu qu’il y a beaucoup à apprendre de cet auteur sur ce point. C’est certainement lié aux détails, aux ambiances, reconnaissables entre milles, qu’il parvient à dépeindre. On se sent tout de suite parfaitement à l’aise et on prend beaucoup de plaisir à boire une bière ou à préparer un repas en compagnie de l’un des personnages. A rêver avec eux et à basculer peu à peu dans l’autre monde. C’est exactement le cas de ce livre. L’auteur nous propose de vivre une aventure au côté d’un publicitaire qui va être confronté à une drôle d’histoire, une véritable quête à la recherche d’un mouton ! ...

Mémoires d'un jeune homme dérangé

Voici le premier roman de Frédéric Beigbeder. On peut dire sans trop se tromper qu’il s’agit d’une autofiction. Ce monsieur Marronnier ressemble furieusement à notre écrivain. D’abord sur le plan physique: “À vrai dire, ce menton très proéminent ne possède aucune utilité.” Mais aussi sur le plan social et moral. Le personnage est un jeune homme aisé de bonne famille qui passe son temps à sortir et en tire quelques profits en rédigeant des chroniques mondaines : “Mon élitisme restait l’éthylisme.” Ce livre raconte cette vie faite de fêtes, de copains (les ricaneurs pantalonnés ou les hooligans cravatés) et enfin d’amour. ...

Le sel

Jean-Baptiste Del Amo est un jeune auteur français qui, après la publication d’un recueil de nouvelles, a fait une entrée remarquée dans le monde de la littérature en décrochant le prix Goncourt du Premier Roman pour Une éducation libertine1. Il revient avec un nouveau roman au titre court mais évocateur, Le sel. On pense d’abord à la mer, c’est la première chose qui vient à l’esprit. Puis aux larmes peut-être et au sel qui ravive les blessures. Il y a tout ça dans ce livre mais les lecteurs découvriront au fil des pages que bien d’autres choses peuvent avoir le goût du sel. C’est un livre sur la famille et les malheurs qui peuvent la frapper. Ces malheurs qui macèrent au fond des coeurs et gonflent pour jaillir enfin en une bile brulante mais salvatrice. ...

La traversée du Mozambique par temps calme

C’est l’histoire d’une chasse au trésor. C’est encore l’or des incas qui est la cible de toutes les convoitises. Autour de Belalcazar, archéologue fantasque ayant échoué plusieurs fois dans sa quête, est réunie une équipe originale : les frères Negook et Hug-Gluk originaires du nord de l’Alaska, la cuisinière spécialiste des frites Fontaine sans oublier la mystérieuse Malebosse. Tout ce petit monde va prendre la mer direction Païtiti. Ca, ils en sont sûr, pour le reste par contre … Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est que le début de leurs péripéties. ...

Parfum de glace

Commencez par une bonne dose de parfum, saupoudrez d’une pincée de mathématiques, ajoutez des glaçons et remuez pour obtenir Parfum de glace. Le livre débute par la mort, a priori par suicide, du fiancé de Ryoko, Hiroyuki, un jeune homme discret et intelligent exerçant le métier de parfumeur. Mais Hiroyuki n’est pas celui que croit être Ryoko malgré le fait qu’ils vivaient ensemble. En enquêtant sur les raisons de sa mort, elle va découvrir les nombreuses facettes de ce jeune homme hors du commun. ...

La porte des enfers

Je ne vais pas tourner autour du pot et vous dire d’emblée que j’ai été déçu à la lecture de ce livre. La déception est encore plus amère car je sortais d’une très bonne surprise avec La mort du roi Tsongor. C’est vrai que le sujet est ambitieux. Traiter de la mort et des enfers, reprendre à son compte le mythe d’Orphée. Défier la mort, la seule vraie crainte de l’être humain n’est pas chose facile. ...

Le bûcher des vanités

C’est le premier livre de Tom Wolfe que je lis et quelle claque. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’on prend ce pavé de 900 pages en pleine figure. Les descriptions sont précises et font montre d’une grande lucidité et perspicacité de la part de l’auteur. Les dialogues sont terriblement efficaces, parfois drôles mais surtout sonnent vrai. Ce livre est le livre de New York des yuppies de Manhattan aux malfrats du Bronx. Toute une kyrielle de personnages se débat dans cette ville présentée comme LA ville du XXème siècle. Au fil de l’histoire, on sent bien que les destins des personnages vont finir par se croiser. On voit le terrible piège tissé par Tom Wolfe se mettre en place dans une mécanique implacable. Les fils de cette toile ne sont pourtant pas grossiers mais diaboliquement bien arrangés. On prend beaucoup de plaisir à les découvrir puis à les suivre pour voir les personnages s’agiter et glisser pourtant irrémédiablement vers cet abîme. On comprend peu à peu quel rôle va jouer chacun dans cette grande pièce dramatique. ...

L'écume des jours

Son peigne d’ambre divisa la masse soyeuse en longs filets orange pareils aux sillons que le gai laboureur trace à l’aide d’une fourchette dans de la confiture d’abricots. Colin reposa le peigne et, s’armant du coupe-ongles, tailla en biseau les coins de ses paupières mates, pour donner du mystère à son regard. Il devait recommencer souvent, car elles repoussaient vite. Ai-je besoin d’en dire plus pour vous donner envie de lire ce livre ? Je ne peux pas m’empêcher de dire quelques mots mais je vais faire court car je n’ai pas la prétention de m’appesantir sur une oeuvre qui a été abondamment commentée. Avec ce premier extrait, vous avez eu un aperçu de la poésie et de l’originalité de ce roman mais quel en est le sujet ? Dans cet univers improbable où les associations d’idées semblent prendre vie, nous suivons celles de Colin. Colin est un jeune homme d’une trentaine d’années appartenant à la jeunesse dorée – qui ressemble un peu à celle de Saint-Germain-des-Prés. Il ne travaille pas, passe sa vie à se divertir et ne rêve que d’une chose: les filles. ...

La cote 400

Avec ce titre énigmatique faisant référence à la classification de Dewey, Sophie Divry nous immerge dans une conversation avec une bibliothécaire d’une cinquantaine d’année. Malgré son amour pour les livres, cette employée n’est pas heureuse de sa situation. Au contraire, elle développe un peu de rancoeur, un sentiment d’avoir laissé passer sa chance tant sur le plan professionnel que dans sa vie amoureuse. Elle part dans un long monologue et, de digression en digression, nous dévoile sa vie, nous fait part de ses pensées sur le monde qui l’entoure. Il y a beaucoup de nostalgie chez cette femme. Tout était mieux avant, elle voit d’un mauvais oeil le changement, le progrès technologique. Elle perd sa vie à en attendre une autre. ...

Mrs Dalloway

Le milieu dans lequel évolue Mrs Dalloway, le personnage central de ce récit, est celui de la bourgeoisie londonienne du XXème siècle. Cette femme vit une vie sans joie ni chagrin depuis qu’elle a laissé filé son amour de jeunesse, Peter, vers les Indes en choisissant un mariage de raison, aux antipodes de l’amour passionnel. Elle n’est pas proche de sa fille et, comme nous l’avons vu, ne partage quasiment rien avec son mari, voici ce qu’elle pense de ce dernier ...