Eichmann à Jérusalem

J’ai croisé ce livre dans Une saison de machettes de Jean Hatzfeld et j’ai eu envie de m’y plonger. Avant de le lire, je ne connaissais ni Adolf Eichmann, ni son rôle au sein du parti Nazi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il fait partie des fuyards qui se sont installés en Argentine après la défaite – comme bien d’autres comme Josef Mengele dont Olivier Guez avait raconté l’exil dans La disparition de Josef Mengele. Eichmann n’a pas échappé au Mossad et a été extradé clandestinement en Israël pour y être jugé lors d’un procès qui fait suite à celui de Nuremberg auquel il avait échappé. On découvre vite dans le livre, qu’il n’est pas un personnage à la hauteur de ses crimes. Il ressemble plus à un fonctionnaire zélé, un maillon très solide de la terrible chaîne. ...

Une saison de machettes

Comment en suis-je venu à lire ce livre ? Ma première approche du génocide s’est faite par le biais du livre de Pierre Bayard, Aurais-je été résistant ou bourreau ? Dans ce livre, il examinait plusieurs phénomènes de tueries de masse dont celles du Rwanda, mais aussi celles perpétrés par le 101e bataillon de police de réserve allemande dont le comportement m’a fait penser à celui des Hutu et je ne suis pas le seul puisque Jean Hatzfeld y fait aussi allusion. Puis c’est la lecture de Goražde consacré à la guerre de Bosnie-Herzégovine – très proche d’un génocide – qui m’a fait repenser à ce sujet. Le livre est fait d’une alternance de chapitres consacrés aux témoignages des tueurs et de chapitres dans lesquels l’auteur fait part de ses réflexions, nous livre son analyse ou encore précise des éléments de contexte. Il est le second tome de la trilogie Récits des marais rwandais consacrée au génocide débutée par Dans le nu de la vie qui donnait la parole aux victimes et clôturée par La Stratégie des antilopes. ...

Dans le nu de la vie

L’expression qui a donné son titre au livre est de Sylvie Umubyeyi, l’une des rescapée Tutsi du génocide perpétré par les Hutus au Rwanda. En 1994, entre le lundi 11 avril à 11 heures et le samedi 14 mai à 14 heures, environ 50 000 Tutsis, sur une population d’environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9 h 30 à 16 heures, par des miliciens et voisins Hutus, sur les collines de la commune de Nyamata, au Rwanda. ...

Une sortie honorable

La situation en Indochine est tout simplement désastreuse, admit-il. La guerre est pour ainsi dire perdue. Tout au plus peut-on espérer lui trouver une sortie honorable. J’avais adoré L’Ordre du jour, mais cette Sortie honorable est peut-être un cran au-dessus. C’est bien simple, j’ai eu envie de tout citer, tout noter – ça a d’ailleurs été la principale gène de ma lecture – tellement certaines phrases sont à la fois belles, percutantes et vraies. ...

Un hiver à Wuhan

Alexandre Labruffe a vécu en Chine lorsqu’il était plus jeune, au début de sa carrière, puis, plus récemment à Wuhan au début de la pandémie. Dans ce court récit, il entremêle les souvenirs de ces deux époques pour livrer son expérience et sa vision de la Chine. Et elle est plutôt paranoïaque à moins qu’elle ne soit finalement assez réaliste. La Chine est l’utopie réalisée du libéralisme, où la seule liberté, finalement est celle de consommer. Préfiguration d’un monde en gestation. Le pire du communisme et du capitalisme réunis. Un monde réduit au consumérisme. (La Chine pré-scénariste l’avenir.) ...

Underground

Haruki Murakami n’écrit pas que de la fiction, en voici un des plus beaux exemples avec ce livre consacré aux attentats de 1995 perpétrés dans le métro de Tokyo par la secte Aum à l’aide de gaz sarin. Murakami revient dans la partie médiane du livre sur ses motivations. Après une longue période passée à l’étranger (aux États-Unis), il a souhaité tenter de mieux comprendre son pays (le Japon) et ses habitants au travers de ce drame. Pour ce faire, il a récolté et retranscrit des témoignages. Il consacre la première partie du livre aux victimes avant de donner la parole, dans une seconde partie, aux membres de la secte. Ces deux parties étant séparées par un intermède dans lequel l’auteur fait part de ses motivations et expose sa méthodologie. ...

Le blob

Le blob a atteint un niveau supplémentaire de célébrité lorsque quatre spécimens ont fait le voyage vers la station spatiale internationale en compagnie de notre Thomas Pesquet national. Avec Audrey Dussutour on reste chez les toulousains puisqu’elle exerce dans la ville rose le métier de chercheuse au CNRS en tant qu’éthologue spécialisée dans l’étude des animaux sociaux. Elle étudiait surtout les fourmis avant de faire la connaissance de cette étrange créature, le blob. ...

Anatomie d'un instant

Ce livre aurait pu s’appeler autopsie d’un instant tant il examine avec une précision chirurgicale le coup d’état qui a eu lieu en Espagne le 23 février 19811 – mais le titre est très bien ainsi, il est parfait. Javier Cercas décortique cet évènement en partant, en excellent romancier qu’il est, de son point d’orgue: l’irruption dans l’hémicycle de la chambre du Parlement espagnol, en pleine séance du second vote d’investiture du président du gouvernement, de militaires armés. Ne vous y trompez pas, Cercas, malgré son remarquable talent d’écrivain, ne romance pas cet évènement historique car, il en a pleinement conscience, la réalité surpasse la fiction. ...

Libres d’obéir

L’oxymore qui compose le titre du livre est génial Libres d’obéir. Tout est dit et la contradiction véhiculée par cette association de deux mots antagonistes est vertigineuse. Ce livre a fait beaucoup de buzz lors de sa sortie car les journalistes ont repris en faisant – comme souvent – un raccourci un peu rapide le sous-titre, Le management, du nazisme à aujourd’hui qui pourrait être qualifié de racoleur si on ne connaissait pas le sérieux de l’auteur. Johann Chapoutot est un historien professeur d’histoire contemporaine à Sorbonne Université et spécialiste du nazisme. Il a publié plusieurs livres sur ce sujet dont le plus connu est certainement La Loi du sang. ...

White

L’idée – peut-être la seule de ce livre – est l’avènement de la pensée unique propagée, multipliée de façon exponentielle par les réseaux sociaux. Ce qui est le plus troublant c’est que ce n’est a priori pas téléguidé par un big brother central comme la génération de Bret Easton Ellis le pensait, mais par les gens eux-mêmes – peut-être est-ce l’application d’un schéma qui a été décidé par une intelligence centrale. Dans son livre, les manifestations de cette pensée unique sont multiples comme la culture du like traitant de troll toute voix discordante, on doit tous aimer la même chose – ou on se doit tous d’aimer la même chose. ...

Turn the Ship Around!

L’histoire de Turn the Ship Around! ressemble un peu à celle de nombreux films américains dans lesquels un entraîneur se retrouve propulsé à la tête d’une équipe de loosers qu’il parvient par sa sagacité à transformer en winners. Mais est-ce lui qui a agit dans ce cas alors qu’il n’est pas sur le terrain ou plutôt les joueurs qui mieux organisés, plus confiants sont parvenus à exprimer tout leur potentiel pour décrocher des victoires? C’est tout le sujet du livre, mais ici l’équipe est un équipage, celui du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SSBN) ayant les plus mauvais résultats de l’U.S. Navy, le Santa Fe. Et ce n’est pas de la fiction – comme À la poursuite d’Octobre rouge – mais une histoire vraie qui sert d’articulation à un livre de management dédié à la notion d’empowerment. ...

Chiens

Mark Alizard consacre un petit livre aux chiens. Curieuse idée car le chien a l’image d’un animal tout ce qu’il y a de plus banal. Le chien de la famille qui ne quitte pas son maître du regard, qui le suit partout. Et pourtant vous verrez en lisant ce livre que le chien est plus complexe qu’il n’y paraît et que le destin de l’homme est intimement lié à celui de son plus fidèle compagnon. ...

Le Météorologue

Un coup de coeur pour un livre comme l’on en a peu au cours d’une année de lecture, le dernier de ce genre est L’ordre du jour et il a eu le Goncourt en 2017. Olivier Rolin rend avec ce livre un bel hommage à Alexéï Féodossévitch Vangengheim, le météorologue, et avec lui à toutes les victimes de la grande Terreur en URSS. Météorologue avec les aléas que cela comporte – surtout à l’époque – est une profession à risque dans le monde paranoïaque sur lequel régnait le tyran Staline. Il n’y a qu’un pas – Staline n’est pas à ça près – entre une prévision qui ne se réalise pas et une volonté de sabotage. C’est pour cette raison que certains comme Alexéï Vangengheim ne savait même pas pourquoi ils avaient été arrêtés. C’était pourtant un homme paisible qui aimait avant tout son métier, la science et sa famille. Certainement un visionnaire dont l’élan vu brisé. Voici ce qu’il écrivait dans l’une de ses lettres. ...

L’ordre du jour

Ce livre nous raconte le moment où les nazis se trouvant sur le seuil des Enfers ont poussé la porte et l’ont franchie. Il s’intéresse à une période temporelle très courte en comparaison du vaste carnage qui va suivre. Lorsque les nazis ont préparé et réalisé l’annexion de l’Autriche, opération connue sous le non d’Anschluss, début d’un long processus destructeur qui mènera à l’horreur que nous connaissons. Au sein de cet espace-temps, Éric Vuillard met en lumière deux choses. La première, celle par laquelle débute ce livre avec la montée solennelle des 24 chefs d’entreprise le long du grand escalier est la contribution de l’économie allemande à l’effort de guerre. Ça c’est la version consensuelle. L’auteur préfère montrer comment ces capitaines d’industrie ont accepté sans broncher de mettre la main au portefeuille pour financer les projets des nazis et comment ils ont été payés en retour à grand renfort de main d’oeuvre gratuite et corvéable à merci puisque prise directement dans les camps. Dans ces conditions, elle ne durait pas longtemps, mais qu’importe, les nazis étaient là pour réapprovisionner. ...

En cherchant Majorana

Ettore Majorana était un génie, une étoile filante dans le ciel de la physique du XXe siècle. Son domaine, l’infiniment petit, la physique quantique. A l’âge de 31 ans à peine, il disparaît. Purement et simplement évanoui dans la nature. Qu’est-il devenu ? Une seule chose est sûre, il s’est retiré du monde. C’est à ce moment précis que Majorana devient pour Carelli un chat de Schrödinger, c’est-à-dire la superposition quantique d’un être vivant et du même être mort. ...

Premier bilan après l’apocalypse

“Mes 100 livres préférés (pour le prix d'1)” nous dit Frédéric Beigbeder sur le bandeau promotionnel rouge entourant le livre. L’ancien publicitaire n’a pas perdu le sens de la formule et il avait même créé un site web pour l’occasion – les liens pointant vers Amazon, le malin, il n’y a pas de petits profits. Je ne parlerai pas de la préface qui n’est, selon moi, pas l’intérêt de ce livre de chroniques et qui même le dessert. Côté chroniques, il n’en est pas à son coup d’essai – je ne parle pas de son passage sur Canal + – puisqu’il avait déjà publié un recueil semblable au titre annonciateur: Dernier inventaire avant liquidation. Cette fois, il ne se base pas sur une liste préétablie – le premier livre commentait les 50 premières oeuvres parmi une sélection de 100 établie par les lecteurs du journal Le Monde – mais nous présente ses 100 livres préférés. ...

Le Royaume

J’écoutais Florent Georgesco parler de ce livre à la radio. Il a dit une chose très vraie sur Emmanuel Carrère. Il sait trouver le ton juste pour écrire. Tout s’enchaîne, ce n’est ni trop ni pas assez, on dirait qu’il nous parle. Le journaliste du Monde disait qu’il avait l’impression d’être assis en face de lui dans sa cuisine et de simplement l’écouter parler – il a reçu le prix littéraire du Monde, ce n’est certainement pas un hasard. Et il a raison, on pourrait l’écouter pendant des heures. Ce type a un tel talent qu’il rendrait l’histoire du chemin de fer en France intéressante – que les fans me pardonnent. Imaginez alors un instant ce qu’il peut faire avec un sujet comme le Christianisme. ...

Aurais-je été résistant ou bourreau ?

Aurais-je été résistant ou bourreau ? C’est une question que tout le monde devrait se poser et pour laquelle personne ne devrait avoir de réponse évidente. Pierre Bayard tente d’y répondre en employant un procédé original. Il se met lui-même dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale en opérant une sorte de voyage dans le temps. Il se retrouve donc en 1940 étudiant en hypokhâgne, khâgne et entre à l’École normale après avoir réussi son concours d’entrée. ...

Intérieur

J’ai acheté, en rentrant de vacances, Intérieur de Thomas Clerc – impossible de trouver ce livre dans une librairie grand public. Il faut dire que ce n’est pas un livre qui plaira à tout le monde. Pourtant, je ne suis pas fan de la littérature expérimentale, mais plusieurs choses me séduisent ici. La première est l’idée d’isolement, de sécurité que l’on peut retrouver en rentrant chez soi. Elle est assez basique, mais crée une ambiance agréable et apaisante. ...

Le chemin des morts

Quand un membre de la famille meurt, il est conduit de la maison au cimetière par un chemin particulier, que l’on appelle le chemin des morts. Chaque maison, chaque famille a le sien. Il ne se confondent pas. Si bien qu’au-dessus des routes et des sentiers du village, ou au-dessous d’eux, ou à côté comme on voudra, il y a d’autres chemins, invisibles, formant une toile dont l’église est le centre. ...